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 La ruée vers l’or vert, en quête de biomasse/ 2de partie, la concurrence pour le foncier…

Pour finir la semaine, voici la seconde partie de ma série de cinq sur la biomasse.
Je vous en rappelle le contexte.
En novembre 2020, j’ai pu participer à 5 débats sur la biomasse organisés par Entreprises pour l’environnement (en encadré dans le texte les partenaires financiers de l’opération), dans le cadre de la rédaction d’un long texte sur la question. La biomasse, tout le monde en veut, c’est vertueux, plein d’avenir, et pourtant on la connaît mal. Elle révèle toutes nos contradictions : se chauffer au bois, c’est écolo, mais couper un arbre, c’est mal ; la méthanisation cela évite le gâchis, pourtant, cela pourrait encourager l’intensification ; tout cela est très naturel, mais on résume quand même la nature à un contenu en kWh ou en carbone. Quid de la biodiversité, d’ailleurs, et des sols ? Appelons cela le syndrome de l’éolienne : oui, éventuellement, mais pas chez moi, traînons les pieds car en fait, ça me gêne. La ruée n’est donc pas encore là, mais elle pourrait advenir car à force de lenteur, la transition énergétique pourrait un jour donner à tout ce qui est vert la valeur de l’or, celle de l’urgence à agir trop tard. J’ai eu la satisfaction de constater que tous les acteurs présents à ces débats y allaient doucement, bien conscients de marcher sur les œufs de l’acceptabilité sociale et des nombreuses incertitudes scientifiques. Les usages possibles, les conséquences sur les sols, l’agriculture comme gisement, l’exploitation des forêts, la bonne gouvernance d’une biomasse très territorialisée, voici les thèmes qui ont été abordés et qui, réunis, forment un joli texte de 64 pages. 

La ruée vers l’or vert

Quelle gouvernance de la biomasse ?

2de partie : Quelle place pour les hommes et leurs activités ?
 

© Frédéric Denhez pour EpE

La publication d’Epe se trouve .

Le webinaire de présentation du dossier, c’est par là, et tout en bas de ce papier. Vous verrez que j’ai eu une coupure d’Internet durant une demi-heure. 

Les débats qui m’ont permis de rédiger cette enquête sont ici.

La biomasse occupe de la place. Or, la place, tout le monde la veut. La concurrence est féroce entre villes et campagnes, entre cultures et nature. Sans retenue, le prix de l’immobilier pousse à transformer les sols agricoles en lotissements et en zones d’activités. Sans définition juridique véritable, les sols n’ont pas de valeur intrinsèque et n’existent finalement que lorsqu’ils sont transformés en quelque chose de rentable… et la biomasse n’est pas forcément l’option la plus attractive. Sans niveau de vie suffisant, les agriculteurs sont poussés à vendre au plus offrant. La biomasse, c’est aussi une question d’aménagement du territoire… et de fiscalité.

L’artificialisation, cette inconnue

L’État l’a dit, les Régions le répètent, l’artificialisation, c’est terminé ! Il faut que demain, c’est-à-dire en 2050, les collectivités se développent avec en tête le ZAN, le zéro artificialisation nette : demain, pas un mètre carré de terre agricole supplémentaire ne sera bétonné. Il faudra construire sur l’existant. « C’est un sujet qui ne concerne aujourd’hui que les urbanistes et l’immobilier. Or, ça nous concerne tous, à la fois en rapport avec le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité », rappelle Julien Fosse, chef de projet agriculture et biodiversité à France Stratégie. Le ZAN, c’est une façon, une obligation d’arbitrer des usages, et d’intégrer l’aménagement du territoire dans les politiques d’atténuation des désordres environnementaux.

Encore faut-il savoir de quoi on parle. En France, les zones imperméabilisées couvrent 5,5 % du territoire métropolitain, contre 4 % en Europe. Cela fait 47 km2 pour 100 000 habitants, un chiffre très élevé par rapport à l’Italie (41), au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, à l’Espagne (moins de 30). La France est fort bétonnée.

Toutefois, le chiffre n’est qu’indicatif, Julien Fosse est clair : « il dépend de la méthode de mesure ! Selon que l’on prend le satellite avec Corine Land Cover, les enquêtes de terrain avec Teruti-Lucas ou les fichiers fonciers, l’artificialisation se situe entre 16 000 à 64 000 hectares par an. » Un écart immense, étonnant dans un pays tel que le nôtre qui mesure et surveille tout. Un écart auquel il faut ajouter la marge d’erreur, d’autant plus élevée que le territoire est peu dense, rural. France Stratégie a opté pour les fichiers fonciers, et retenu le chiffre de 20 000 ha d’espaces dits « naturels, agricoles et forestiers » qui disparaissent chaque année au profit de l’urbanisation.

Ces Enaf, comme il faut dire en langage administratif, ne satisfont personne, car ils enferment les usages des sols en deux catégories simplistes, avec ou sans couverture étanche, présent ou pas en zone urbaine. Un parc urbain est ainsi qualifié d’artificiel tandis qu’un champ de pommes de terre immense est considéré au même titre qu’une prairie permanente. Depuis la publication d’un rapport commun Inrae/ Iffstar en décembre 2017 qui avait fait date en dévoilant la méconnaissance générale de l’usage des sols liée en grande partie à cette définition grossière, tout le monde travaille à une nouvelle typologie, et tout le monde y est encore, au point que le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat comporte un article (le numéro 46) mentionnant… le besoin d’une définition de l’artificialisation.

R et D

Il n’en reste pas moins que « la tendance est plus intéressante que le chiffre absolu, » assure Julien Fosse. Elle est forte : depuis 1981, les zones artificialisées ont crû de 70 %, la population de 19 % seulement. Et cela continue, de manière « hétérogène sur le territoire : l’artificialisation concerne surtout les métropoles et les zones côtières, pas la diagonale du vide. » Le stock d’Enaf est en fait très important, en dépit du taux d’artificialisation qui l’est tout autant. « Il y a aussi, en réalité, des dynamiques locales, et donc les politiques publiques qui doivent être adaptées aux contextes locaux. » La répartition des usages est par exemple différente d’un territoire à l’autre, même si la hiérarchie est à peu près la même : l’habitat est responsable de 42 % de la couverture des sols, les transports de 28 %, et le foncier économique, y compris bâtiments agricoles, de 14 %. Par contre, dans le département de la Manche, c’est bien l’agriculture qui est responsable de l’artificialisation de terres, devant les centres commerciaux ! Une certitude depuis que l’observatoire Vigisol, mis une place par la Safer de l’alors Basse-Normandie, a commencé à ausculter la Normandie en 2011 depuis le ciel, avec une résolution de l’ordre du mètre. Preuve qu’il est possible de savoir précisément l’usage des sols, sans attendre les résultats de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols mis en place en 2019 par l’État.

Julien Fosse a travaillé sur l’identification des bons leviers afin que l’artificialisation recule au profit de la densification. « On s’est demandé comment on peut réaliser le ZAN. Si on ne fait rien, on sera toujours à 20 000 ha/ an de terres artificialisées en 2030, soit le Luxembourg disparu en dix ans. Si l’on augmente par contre un peu le taux de renouvellement urbain à 0,5 [il est de R = 0,43, c’est-à-dire que 43 % des constructions nouvelles se font sur des sols déjà artificialisés] et le taux de densité à 0,3 [il est de D = 0,16, sur une parcelle de 1 000 m2, on a 160 m2 de bâti, avec 0,3 on ajoute en gros un étage], on tombe à 9 200 ha. Avec un R à 0,6 et un D à 0,4, on passe même à 5 500 ha », soit une division par 4. Densifier, renouveler, voilà qui est souvent redouté par les élus locaux et leurs administrés qui y voient un risque de promiscuité.

Et la qualité des sols ! ?

« La question n’est pas qu’une histoire de foncier, l’urbanisation étalée a un impact carbone important : quand des milliers d’hectares partent chaque année, ce sont des distances domicile-travail qui s’allongent, ce qui augmente les émissions de carbone, et puis un stockage de carbone qui disparaît avec la perte de terres agricoles. » William Aucant nous ramène les pieds sur terre. Urbaniste, il fait partie des 150 personnes tirées au sort pour constituer la Convention citoyenne pour le climat (CCC). « Cent cinquante portraits d’une France en miniature, » comme il le dit joliment, des portraits répartis en cinq groupes. Le tirage au sort l’a judicieusement placé dans le groupe « se loger » qui traite de l’artificialisation. « La question sur la définition de ce qu’est l’artificialisation est moins importante que les externalités négatives qu’elle masque, il ne faut pas se tromper de débat ! » La question serait même stérile, sans fin, selon Sandra Moatti qui trouve la notion trop complexe, très ambiguë, ce qui fait du ZAN un objet lui aussi ambigu. Pour la directrice de l’Institut des hautes études d’aménagement des territoires (Ihedate), « on parle de sanctuarisation des ENAF pour atteindre le ZAN, mais ça ne va pas forcément de pair avec la gestion des eaux pluviales et la biodiversité, car l’agriculture, quand elle est intensive, n’assure pas ces services, alors que des sols dits artificialisés peuvent avoir des qualités si les maisons ont des jardins, » avance-t-elle. La définition a quand même une certaine importance. « Tous les sols artificialisés ne sont pas imperméabilisés, ce qui importe, c’est la nature des perturbations, et leur positionnement. » Selon qu’ils interrompent ou non des corridors écologiques, les sols artificialisés n’ont pas le même impact. Il faudrait tenir compte de cela, ainsi que de la qualité des sols « qui pourrait déterminer ce qu’on va faire d’un sol de manière plus pertinente. L’idée serait d’avoir plus qu’aujourd’hui des indices de qualité des sols… » ne serait-ce que pour repérer les sols de haute valeur agronomique. Voilà longtemps qu’on en parle, de cette idée d’intégrer un indicateur de qualité des sols dans les documents d’urbanisme et de planification. Il y a bien l’agglomération de Tours qui l’a fait, la ville de Gardanne aussi, et beaucoup de collectivités normandes qui ont intégré la qualité agronomique dans leurs Plu, PLUi ou Scot. Ces collectivités restent toutefois très minoritaires.

Injonctions contradictoires

Le Puca (Plan, urbanisme, construction, architecture) analyse ce que les collectivités font ou ne font pas en matière d’usage des sols. « On observe, on teste, on regarde leurs stratégies. On teste les applications concrètes sur le terrain », explique Hélène Peskine, la secrétaire permanente de cet organisme de recherches interministériel. Se plaçant à l’interface entre les usagers du sol, l’administration centrale et les collectivités, le Puca a identifié des « démonstrateurs : on a une dizaine de villes moyennes qu’on accompagne dans leur stratégie ZAN. » À Rouen, il y a par exemple l’écoquartier Flaubert, modèle par excellence de ZAN selon Madame Peskine. « C’est une requalification de friches, un projet implanté sur la rive gauche industrielle de la Seine, il y a eu dépollution en lien avec l’aménagement paysager, l’équipement des berges et le quartier populaire de la ville-centre… Et ça se trouve à quelques centaines de mètres de l’usine Lubrizol et de l’entrepôt qui a brûlé. » Pas de chances. Tout s’est arrêté depuis l’accident. « C’est l’exemple typique des injonctions contradictoires, dont on prend conscience sur le terrain. On veut maintenir ou réimplanter l’industrie en ville, afin d’éviter l’étalement, mais ce sont des activités qui peuvent être dangereuses et sont très réglementées… » C’est surtout la peur que nous avons tous de la réhabilitation des friches, une façon de faire pourtant courante en Allemagne et en Angleterre. Comme un tabou, qui peine à être levé, sauf là où le foncier est si cher et rare qu’il n’y a pas d’autres solutions :  la proche banlieue de Paris est construite pour l’essentiel sur d’anciennes industries lourdes et très polluantes. À Rouen, c’est 92 hectares coincés entre les ponts Flaubert et Guillaume-le-Conquérant qui sont promis à devenir une zone multiactivités, industrielle, commerciale et résidentielle, avec de quoi loger 20000 personnes.

Autre démonstrateur, Cognac. La coopérative des vins veut agrandir ses chais. Or, ces derniers avaient été chassés de leur implantation historique en centre-ville pour des raisons de sécurité. Comment en rajouter, les étendre, les rapatrier alors que les normes de sécurité qui s’appliquent, celles des installations classées, interdisent précisément une telle « densification » ? Une sorte de patate chaude en vérité car à Cognac comme à Rouen et en banlieue parisienne, l’exclusion des industries polluantes des villes-centres a été annulée par l’étalement urbain jusqu’au abord des usines. « Et pourtant les entreprises veulent participer, pour leur image de marque, à un projet responsable du point de vue environnemental. C’est la quadrature du cercle… C’est pour cela justement qu’on fait des expérimentations. Tester sur le terrain des solutions spatiales concrètes avec les acteurs locaux. Mesurer les risques et les objectifs pour trouver les arbitrages les plus satisfaisants. » Économiser le foncier est une tâche qui se heurte à des impossibilités concrètes liées à la contradiction entre les textes réglementaires, la lourdeur des frais à engager (dépolluer un sol est hors de prix) et la cruelle inertie des habitudes. Qui plus est, chez les élus locaux « l’injonction nationale du ZAN peut être mal ressentie et elle est assez peu outillée. L’élu est donc dans le flou ! » Il y a un besoin pressant de les former, pour les rassurer. Afin d’espérer pouvoir inverser les modèles de pensée de façon qu’on puisse réinvestir les centres-villes.

Bercy contredit l’État qui contredit le terrain

Le levier est peut-être fiscal. À écouter Guillaume Sainteny, professeur à l’Ecole polytechnique, on se dit que le temps est long d’ici qu’il apparaisse un intérêt à utiliser les sols de façon mesurée. Premier exemple, la location. « La taxation de la location en France est la plus élevée d’Europe. En plus on favorise fiscalement le neuf ! Comment voulez-vous faire du renouvellement urbain ? » D’autant qu’un propriétaire bailleur, qui possède un ou deux appartements, a peu de moyens légaux pour répercuter le coût de la rénovation, énergétique ou autre, de ses biens sur le montant du loyer. Ceci explique en partie la dégradation des logements de centre-ville, ainsi que le taux de vacances énorme : à 8 %, il est très élevé, alors qu’en Allemagne il est de 5%. Il y a plus de 3 millions de logements vacants, 90 000 de plus chaque année. « Cela veut dire que plus d’un quart des constructions neuves sert à vider les logements anciens ! Les raisons sont multiples : il y a la préférence pour le neuf, pour la maison, entretenue par les promoteurs, il y a le besoin des agriculteurs en retraite de compléter ces retraites par la vente de parcelles très valorisées quand elles deviennent constructibles, il y a surtout une fiscalité croissante, avec un rendement locatif décroissant. Du coup de moins en moins de logements sont mis sur le marché de la location. » Y compris par les bailleurs sociaux : dans un rapport récent, la Cour des comptes calcule qu’une diminution du taux de vacances dans le logement social apporterait une année entière de construction. Il existe donc un grand gisement de non-artificialisation.

Second exemple, le projet de loi de finances 2021 (PLF21) : « Il y a un outil très opérationnel qui est le versement pour sous-densité, le VSD. Il donne la possibilité aux collectivités de majorer la taxe d’aménagement jusqu’à 20 %, là où elles veulent plus de densité. Eh bien, dans le PLF21, le VSD a été supprimé. On a aussi dans le PLF l’exonération de la Cotisation foncière des entreprises (CFE) pendant trois ans sur les nouvelles implantations et les extensions. C’est bien, car cela diminue les charges fiscales de production mais le législateur a choisi d’alléger le seul impôt de production qui incite à économiser le foncier ! » Cette exonération est une incitation à faire pousser entrepôts, data centers et drives : ce que dit le ministère de la transition écologique, Bercy le contredit. « Sur la CFE pour les grands entrepôts, je peux vous dire qu’il y a eu un bras de fer entre les membres de la CCC et les ministères, » témoigne William Aucant, « le gouvernement danse sur deux pieds. On sera très vigilant. »

C’est paradoxal, le message de l’État en matière de désartificialisation est très net, se traduisant par des instructions claires données aux préfets ; il est pourtant contredit par la réalité des choses, de la fiscalité et d’autres règles. : à l’échelle régionale, il y a le Sraddet, « conçu pour mettre en cohérence les documents de planification, les exigences et ambitions portées par les Scot, les PLU et PLUi, » rappelle Julien Fosse. Mais, lui répond Guillaume Sainteny, « il n’est qu’indicatif, le Sraddet est assez décevant car ses objectifs ne sont pas contraignants ; rien n’oblige les autres documents d’urbanisme à être cohérents avec lui. On a aussi des directives territoriales d’aménagement préparées par l’Etat, mais elles sont en train d’être supprimées. » Les préfets sont toutefois devenus vigilants à ce que l’objectif de réduction de l’artificialisation, le ZAN, soit au moins inscrit dans les documents. « C’est vrai, mais lorsque le Préfet doit développer l’économie locale, il est lui aussi soumis à des injonctions contradictoires ! », analyse Hélène Peskine. « Eh puis… les préfets ne sont pas dotés en ingénierie territoriale, à cause de la réduction des effectifs… » ce qui ne rassure personne. Si même les préfectures sont mal équipées, on imagine ce qu’il en est dans les petites communes. « On ne peut pas avoir d’affichage politique et ne rien faire », conclut, lapidaire, Julien Fosse.

Terre agricole bon marché, taxes élevées

L’autre problème des sols est qu’ils ne coûtent pas grand-chose quand ils ne sont pas bâtis, alors on se préoccupe peu de les gaspiller, beaucoup de les rendre constructibles. Guillaume Sainteny met à nouveau le doigt là où ça fait mal, dans le prix du foncier agricole. La terre française est deux à trois fois moins chère que dans la plupart des pays européens. Elle l’est même… moins qu’avant :  « La réglementation fiscale pousse les agriculteurs propriétaires à vendre, car le contrôle des prix par l’État, via les Safer, fait que le prix de leur terre est en réalité inférieur à ce qu’il était dans les années 1970 et 1980. Un sol nu et naturel est vendu moins cher qu’acheté. Ensuite, la fiscalité fait que ce foncier non bâti a un rendement nul ou négatif après impôts. » En location, c’est-à-dire en fermage, ce n’est pas mieux. « On est en France à 130 euros l’hectare, c’est deux fois moins que chez nos voisins ».  C’est aussi deux fois moins que dans une situation où le droit de fermage serait négocié sur un marché libre. « Or, la fiscalité est calculée justement sur le loyer tel qu’il devrait être ! » Une absurdité, qui pèse elle aussi sur la valeur foncière. « C’est le cumul loyer bas et taxation haute qui pose problème. En définitive, on paye deux fois plus de taxes en possédant des prairies qu’un portefeuille plein d’actions d’entreprises polluantes. » Pour Bercy, la terre, la nature, qui rend maints services, dont celui d’absorber du carbone a moins de valeurs que des entreprises qui font tout le contraire. « Et je ne vous parle pas des retraites agricoles : une grande partie des terres, des prairies, sont possédées par des retraités, qu’ils gardent pour avoir un revenu foncier en complément. Pourtant, dès qu’ils sont retraités, les agriculteurs n’ont plus le statut agricole et perdent des avantages fiscaux, du coup, ils gagnent beaucoup moins que prévu. » Comment ne pas avoir envie de vendre, si possible après avoir obtenu la constructibilité ? « Il faudrait une rémunération faible mais correcte pour les porteurs d’espaces naturels, non bâtis. Mais le job de Bercy est de faire entrer des sous dans les caisses ». Julien Fosse a analysé l’impact d’une hausse du prix du foncier agricole sur l’artificialisation : à lire ses tableaux, l’impact serait réduit, bien plus faible que celui du couple renouvellement urbain et densification.

Tout de même, tente de nous rassurer Sandra Moatti, « l’aspiration collective, l’objectif du ZAN se traduit de mieux en mieux, dans les outils réglementaires, et dans tout ce qui vient encadrer le pouvoir d’urbanisme du maire. Et puis il y a les PAT qui sont de nature à remettre de la cohésion entre les territoires. » Par ces Plans d’alimentation territoriale, les collectivités ont l’occasion de retrouver une certaine maîtrise foncière : afin d’alimenter leurs diverses cantines, elles signent des contrats pluriannuels avec les agriculteurs, en échange de conduites d’élevage et de culture plus douces pour les sols, la biodiversité, l’eau et les animaux. Des collectivités en profitent pour préempter des sols situés sur des aires de captage d’eau ou à proximité de rivières, voire pour requalifier des zones classées « à urbaniser » en « agricole. » Les PAT sont un levier pour dire l’usage des sols au prétexte de notre estomac. « Cela permet mine de rien de faire entrer la qualité des sols dans les stratégies des agglos, comme à Bordeaux, Nantes ou Paris », complète Hélène Peskine.

Réduire significativement l’artificialisation ne se fera pas sans une modification importante de notre façon d’aménager nos territoires – de ménager nos territoires. « Il va falloir montrer qu’on peut habiter sur d’autres modèles, avec des modes de vie adaptés à des économies de foncier, » pense William Aucant. Des villes plus resserrées, entourées de moins de zones commerciales, avec des zones pavillonnaires plus denses, pas plus de rocades et d’échangeurs qu’aujourd’hui. Dessinés selon le principe que les sols sont en quantité limitée et qu’ils seront alloués en priorité à l’agriculture, les paysages de demain ne seront peut-être pas du tout les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Les gens devront discuter des projets bien avant le premier coup de pioche, et le préfet devra, nous dit Guillaume Sainteny, jouer mieux son rôle. Ça ne suffira sans doute pas. Pour Julien Fosse « il s’agit de créer un récit qui rend désirable » cette nouvelle façon de voir l’aménagement du territoire. On ne pensait pas la prévisible ruée vers la biomasse porteuse de changements aussi profonds.

Présentation de la publication « La ruée vers l'or vert : quelle gouvernance de la biomasse ? »

Au cas où vous auriez oublié, mes deux livres du moment…

À quoi servent les aires protégées ?/ 2de partie

La Stratégie nationale des aires protégées a été rendue public le 12 janvier. Avant d’y revenir, retour en deux parties sur l’habituelle « journée annuelle de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) », qui s’était tenue le 3 novembre dernier. « Les aires protégées, peuvent-elles sauver la biodiversité au XXIe siècle ? », se sont demandé une trentaine de spécialistes, à distance. La réponse semble évidente, car elle loge dans la question. Le point d’interrogation est de trop. Pas sûr. Car la question jette un trouble, sinon, on ne la poserait pas : les aires protégées ne seraient-elles pas si utiles que cela, nous qui croyons volontiers qu’une fois que l’on a préservé légalement une surface, la biodiversité de celle-ci se trouve garantie ? En y réfléchissant, la formulation invite à se pencher aussi sur ses termes : de quelle protection parle-t-on, contre quoi, et pour quoi ? Notre nature humaine est de dénier nos destructions par une fuite en avant ou de les compenser par la création d’espaces de nature sauvage. Nier l’intérêt des aires protégées ou, au contraire, en multiplier les versions les plus strictes, celles où l’homme n’aurait plus qu’exceptionnellement le droit de se rendre, voilà une dialectique facile. Entre les deux, l’espace est cependant large et la question posée par la FRB permet d’imaginer bien des chemins.

À quoi servent les aires protégées ?

(2de partie)

© Frédéric Denhez pour FRB

La journée de la FRB est à retrouver ici.

La stratégie nationale, c’est .

Des amortisseurs sanitaires

Les aires protégées peuvent-elles nous aider à affronter les zoonoses ? En concentrant la biodiversité, elles augmentent le nombre d’agents pathogènes et de vecteurs. Mais en diminuant les contacts avec l’homme, le risque est faible. Par symétrie, il est logique de supposer qu’en leur absence, le risque augmente. « Il y a deux à trois nouveaux agents infectieux par an depuis une cinquantaine d’années, alors que les espaces intacts sont de moins en moins présents, » constate Hélène Soubelet, directrice de la FRB. « 77 % de la surface terrestre et 87 % de la surface maritime ont été modifiés par l’homme, la biomasse des mammifères sauvages est passée de 40 millions de tonnes il y a 100 000 ans à 7 millions aujourd’hui. » Il y a plus de poules, de vaches et de cochons que de chauves-souris et de pangolins. En mer, on serait passé de 200 millions de tonnes de mammifères marins à moins de 4 aujourd’hui. La biodiversité baisse, et donc, a priori aussi, celle des agents pathogènes et de leurs vecteurs, pourtant, le nombre de zoonoses est en croissance. « En fait, il y a corrélation entre changements environnementaux, perte de biodiversité et émergences infectieuses », même si celles-ci sont rares, car ce n’est pas parce qu’un virus a plus de chances aujourd’hui de passer de son hôte habituel à l’homme qu’il sera infectieux pour celui-ci : le parasite doit évoluer en fonction de son nouvel hôte.

Néanmoins, on connaît les facteurs qui favorisent de telles émergences : la perturbation des écosystèmes entraîne à la fois des modifications des liens coévolutifs entre hôtes et pathogènes ; la modification des chaînes trophiques qui aboutit à la réduction du nombre des espèces situées entre le vecteur d’un pathogène et nous, et peut faire exploser les effectifs d’un vecteur par disparition de son prédateur. « La richesse et la complexité d’un écosystème naturel augmentent le danger microbiologique, mais pas obligatoirement le risque infectieux. »

Sauf si l’exposition est augmentée par la diminution de la distance entre notre espèce et cet écosystème fragilisé. Alors le risque se rapproche-t-il du danger. Exemples. Des études ont montré que le paludisme en Asie et en Amérique du Sud a crû avec le changement d’affectation des terres. En Malaisie, le virus Nipah a profité de l’intensification de l’agriculture. En Afrique centrale, c’est la chasse et la déforestation qui ont favorisé le virus porteur d’Ebola. Dans la même zone géographique, le virus Marburg doit son succès à l’exploitation minière ainsi qu’à la viande de brousse qui nourrit les ouvriers. L’urbanisation est reconnue comme responsable principale de l’augmentation de la prévalence de la dengue. Quant aux coronavirus Sars et Mers, c’est à la fois le commerce d’animaux sauvages et de bétail, et l’empiétement des hommes sur les milieux naturels. « Une étude récente a montré que les porteurs de pathogènes partagés avec l’homme étaient plus nombreux dans les milieux dégradés. Pourquoi ? D’autres études montrent que les espèces hôtes sont plus aptes à s’adapter à des environnements dégradés, mais moins à éliminer leur pathogènes : leur stratégie est de se reproduire plus vite, ce qui augmente d’autant le risque d’être contaminé, nous, humains, par simple accroissement de la probabilité de contact. » Grandes et bien gérées, les AP peuvent servir de tampon contre le risque épidémique, en pondérant les changements dans l’abondance et la distribution des hôtes, mais aussi en réduisant les contacts avec les humains. On comprend mieux pourquoi des chercheurs estiment que ce n’est pas 30 % de la surface terrestre qu’il s’agirait de protéger, mais la moitié.

Des parcs, des taxes ?

Encore faut-il les financer, les aires protégées. On connaît l’effet positif, bien documenté, des aires protégées sur les indicateurs de santé, de pauvreté et de richesse des ménages qui ont des autorisations d’usages. On a beau se dire qu’aux États-Unis, les parcs nationaux représentent 341 000 emplois et génèrent environ 41 milliards de dollars de chiffres d’affaires, pour un budget annuel de 2 milliards. À l’échelle du monde, des chiffres circulent : les AP créent 6 000 milliards de dollars de flux financiers, soit environ 8 % du PIB planétaire. Un chiffre trois fois supérieur à l’industrie du tourisme de plein air. Toutefois, ces bénéfices se mesurent à long terme tandis que l’investissement et l’entretien sont des coûts quotidiens qui rebutent d’autant plus que la biodiversité n’a pas de valeur intrinsèque. « Ce que l’on constate est que les surfaces protégées augmentent avec des moyens en diminution, et que l’essentiel des financements est public », mesure Harold Levrel. Le professeur à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement d’AgroParisTech, et chercheur en économie écologique au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) de Nogent-sur-Marne prend l’exemple des zones Natura 2000 : elles bénéficient de 150 millions d’euros par an, alors que d’après lui, 370 millions seraient nécessaires. Deux cent trente-six équivalents temps plein les font vivre, mais il en faudrait quelque six cent cinquante-cinq. « La situation est la même partout, sauf en Afrique du Sud et au Kenya, où il n’y a pas de déficit. » Des pays où pourtant les parcs gagnent de l’argent par le tourisme et la chasse. « La répartition des dotations entre public et privé n’est en fait pas en lien avec l’ampleur d’un déficit. » Le privé n’évite pas les gouffres : préserver l’environnement c’est comme les hôpitaux ou les transports en commun, c’est impossible à rentabiliser.

Comment alors financer les 30 % d’aires protégées que l’on espère ? Harold Levrel pense aux espaces naturels sensibles, les ENS. Propriétés des départements qui en délèguent la gestion à des associations, ils ont pour vocation de préserver des sites de proximité tout en les montrant au public. Il en existe 4000, répartis sur 99 départements, soit 20 000 ha pour une somme annuelle de 150 millions d’euros, financée par une part de la taxe d’aménagement prélevée sur les permis de construire. « Un mécanisme similaire finance le Conservatoire du Littoral : il bénéficie du droit annuel de francisation et de la navigation des navires de plaisance. » Ce DAFN est une taxe qui s’applique à la longueur ou la puissance des bateaux de plaisance. Moyennant quoi le Conservatoire du Littoral, de même que les conseils départementaux en ce qui concerne les ENS, a les moyens d’acheter des terres. Pour les frais de fonctionnement, c’est un autre budget. Aux dernières nouvelles, dans le cadre du Projet de loi de Fiances 2021 (PLF), le Parlement a décidé de détourner l’essentiel de la part de la taxe d’aménagement affectée au financement des ENS vers celui du fonds de renaturation des friches industrielles et des sols pollués.

Réserves privées ou droits d’entrée

Au Québec, on a pris le problème autrement : on fait payer. À la fin des années 1990, la situation des parcs nationaux y était telle que le gouvernement de l’époque envisageait d’en vendre certains. La réforme votée en 2001 a été complète, explique René Charest, spécialiste en conservation pour le réseau des parcs nationaux à la Société des établissements de plein air du Québec (Sepaq) : « L’État a confié la gestion de 23 de ses 29 parcs nationaux [couvrant 7 000 km2] à une entreprise privée qui appartient au gouvernement, la Sepaq. Toutefois, contrairement à ce qui se passait avant, il n’y a pas de lien entre les dépenses et les revenus, car l’État n’est pas le plus compétent pour gérer une activité commerciale. » Avant, revenus et dépenses ne se parlaient pas, les premiers finissaient dans un pot commun, et les parcs n’en voyaient pas la couleur. Au Québec aujourd’hui, les visiteurs de parcs sont des clients, qui paient un droit d’entrée (8,80 dollars, les moins de 17 ans ne paient pas, il existe des cartes d’abonnement annuel que les municipalités peuvent prendre en charge), puis l’accès aux campings ou aux cabanes en location. « Le gouvernement nous verse des honoraires de gestion, de l’ordre de 13,5 millions de dollars canadiens (c’était 27 il y a vingt ans), le reste, c’est les revenus que nous générons », soit 82 % du budget total des parcs nationaux gérés par la Sepaq.

Une philosophie opposée à celle de la France où l’équité prime : chacun doit avoir accès à la nature, quand il en a envie. Un principe à peine remis en cause par l’instauration du paiement des parkings ici et là dans les parcs nationaux. « Doit-on répartir les coûts d’accès aux sites à l’ensemble des citoyens, ou seulement sur la minorité qui y viendra ? Nous avons choisi la deuxième option, tout en ayant garde à ne pas porter atteinte à la mission de protection qui est la nôtre. » La réforme a provoqué une augmentation de la fréquentation, donc des revenus, pour autant, assure René Charest, cela n’a pas entraîné de surfréquentation dommageable aux sites fragiles. « C’est facile à gérer en fait : on ne vend plus de tickets, ou on ferme les parkings ! » M. Charest trouve que les budgets de fonctionnement versés par l’État en France (80 millions d’euros, pour dix parcs dont les cœurs occupent 5 110 km2, 20 de plus en comptant la Guyane) sont considérables. Pourtant, chez nous, il s’étonne toujours de traverser des parcs sans s’en rendre compte. Nos parcs nationaux sont discrets, en dépit de ce qu’ils coûtent.

La France doit-elle s’inspirer de sa cousine ? Harold Levrel est sceptique. Il regarde plutôt vers la gestion de notre patrimoine culturel : « Il y a le 1 % culturel et des dispositifs fiscaux qui aident au financement des biens culturels, on pourrait s’en inspirer. » Un exemple qui montre à quel point le patrimoine naturel reste intrinsèquement sans beaucoup de valeur dans notre pays. D’ailleurs, les fiscalistes montrent qu’une surface simplement naturelle est deux fois plus taxée qu’un portefeuille d’actions. Il n’y a aucun avantage fiscal à vouloir préserver l’environnement. Il n’a pas beaucoup de valeur en soi, sinon, certains se raient battus contre Bercy pour obtenir quelques niches fiscales.

L’idée de faire payer l’entrée d’une zone naturelle hérisse les cheveux de Madeline Urbin. Pour la directrice de l’Aspas (Association pour la Protection des Animaux Sauvages), c’est impensable, car cela va à l’encontre de la philosophie maison. Pourtant, l’Aspas est propriétaire de réserves privées… non payantes. « On acquiert le foncier par appel à dons. Parce qu’on a compris que c’est par la propriété que l’on peut décider d’une protection forte. » Grâce à 20 000 donateurs, 5 réserves ont pu être créées sur le territoire métropolitain. Particuliers, fondations, entreprises, le panel des donateurs est large. « L’idée n’est pas de mettre la nature sous cloche, au contraire, c’est de la rendre disponible. Les balades sont autorisées, bien entendu, mais sur des itinéraires, des sentiers balisés. » L’agriculture, la chasse, la coupe de bois et autres usages invasifs sont interdits, ce qui ne facilite pas l’arrivée de l’Aspas sur un territoire avec un projet de réserve. « Le principe de libre évolution fait peur, le fait que la nature va enfin pouvoir choisir d’évoluer sans la contrainte de l’homme. Mais globalement, les gens adhèrent, car grâce à ces réserves, on leur montre comment ils peuvent s’émerveiller près de chez eux. » Et Madeline Urbin l’assure, car l’idée reçue circule, elle ne vole personne : les terres sont achetées sous contrôle des Safer.

Des aires de développement territorial

Comme l’Aspas, les réserves Man & Biosphere (MAB) attirent les jeunes, qui se sentent exclu des décisions en matière d’environnement. Puisque ces réserves constituent des projets de territoire, il faut leur donner la parole, estime Catherine Cibien, directrice de MAB France. Le logo délivré par l’Unesco est prestigieux, valide-t-il une réelle protection de la biodiversité ? Il n’est pas là pour cela : « c’est une médaille, qui donne envie d’être fier, qui valide un projet de développement durable d’un territoire où existent déjà des aires protégées. » Un territoire où l’équilibre entre activités humaines et nature est surveillé par une gouvernance associant population, élus, organismes de recherche, entreprises, associations etc. Une réserve MAB ne peut se faire sans une forte participation locale ni un objectif robuste de valorisation des savoirs locaux. Voilà qui ressemble beaucoup aux parcs naturels régionaux ! « Non, car d’une part notre processus de création est plus souple, d’autre part les PNR n’ont pas l’obligation d’intégrer des aires protégées. » À la fois prestigieux et méconnu, le concept des réserves Man & Biosphere affiche de belles réussites avec notamment celle de la vallée du Galeizon, au nord d’Alès. « Le Syndicat mixte d’aménagement de la vallée a adhéré à la démarche et fondé tout son développement dessus. Cela a permis d’installer des éleveurs, de réhabiliter la châtaigneraie face au pin maritime, développer la filière bois-énergie, ou encore aider dans la lutte contre les plantes invasives au profit de la ripisylve. »

Par sa méthode, la démarche Man & Biosphere (14 réserves en France) aide les territoires à allier développement des humains et des non humains. Elle reste proche de celle des parcs naturels régionaux, qui sont au nombre de 56 : protection et gestion du patrimoine naturel, culturel et paysager ; aménagement doux du territoire ; développement économique et social ; pédagogie, information. « Ce sont les territoires qui s’organisent, ou pas, en PNR. Certains l’ont fait par exemple pour résister à l’étalement urbain, » résume Michaël Weber, le président de la fédération des PNR. Entité posée sur des limites administratives différentes, le parc régional est un endroit où l’on peut espérer discuter d’une cohérence de développement entre des collectivités ayant des objectifs différents. « Ce sont de lieux de dialogue où l’on espère faire émerger un nouvel humanisme de la nature, afin que l’homme ait enfin conscience qu’il fait partie de la nature et est un acteur de la transition. »

Considérer les gens

Ces façons de préserver des territoires, qui sont dans le bas du classement de l’UICN, sont fondées sur la considération des gens. Sur leur bonne information afin qu’ils adhèrent, voire, qu’ils s’émeuvent de la beauté des choses. À une échelle gigantesque, le parc national de Guyane fait de même, comme quoi depuis 2006, la « cloche à fromage » est devenue assez souple. « Les gens étaient méfiants quand le projet de parc a été annoncé, » se souvient Claude Suzanon, le directeur. « Les populations autochtones pensaient qu’on allait leur interdire de vivre chez elles. On les a rassurées : même dans le cœur du parc, il y a des droits d’usages qui leur ont été accordés. » Il a fallu des années de discussions, de palabres entre des gens qui avaient des visions du monde complètement différentes : « le concept même de protection n’existait pas chez les Amérindiens ! Ils vivent dans la forêt depuis 7 000 ans, ils ne comprenaient pas qu’on puisse protéger ce dont ils vivaient. » S’appuyer sur les chefs coutumiers s’est révélé indispensable, de par leur importance politique et leurs connaissances des ressources naturelles. « L’échange s’est fait dans les deux sens, entre eux et les chercheurs venus de Métropole. » En définitive, le parc existe et fonctionne, les gens se le sont approprié, grâce notamment à sa zone périphérique. Le grand perturbateur reste l’orpaillage illégal, qui exige des moyens militaires, très coûteux, pour être contré. C’est toujours le même problème : comme le dit Claude Suzanon, « la conservation sans argent, c’est de la conversation. »

Le dialogue est indispensable à toute idée de protection, il peut dans l’idéal 

constituer en soi une forme de protection à écouter Florent Marcoux. Le directeur général de Surfrider Europe fait le constat que les problèmes viennent de conflits d’usage et que ceux-ci peuvent être réglés grâce à la concertation. Donner la parole, écouter, c’est vieux comme le monde, c’est la meilleure manière de faire baisser la tension. « On n’est pas une association de protection de la biodiversité, on défend notre usage de la mer mais à force, on est devenu des défenseurs de l’environnement. Notre premier combat c’était les déchets sur l’eau, la qualité de l’eau. » En 2013, des surfeurs trouvent le moyen de s’inviter aux tables rondes réunies pour discuter du projet de parc éolien off-shore au large de Saint-Brieuc, auxquelles ils n’avaient pas été conviés. « On a mis en avant un risque pour nous lié à la mise en suspension du sédiment et à une interception de la houle. Mais on n’a pas dit qu’on était contre, mais qu’on était pour… à condition de. » Ayant constaté que la concertation arrivait toujours trop tard, « on cadre en fait le renoncement, pas le choix », Florent Marcoux a eu l’idée de mettre en place un espace de dialogue permanent à l’échelle d’un territoire – à Biarritz, chez lui. « Ce n’est pas lié à un projet d’aménagement, c’est fait pour que les usagers se connaissent, que la confiance s’installe. » La Région, l’agglomération de Biarritz, l’Ademe, diverses directions déconcentrées des services de l’État, les pêcheurs, les entreprises de l’énergie, du tourisme, des chercheurs, « tout le monde a accepté de se voir régulièrement durant une expérimentation qui va durer deux à trois ans. » Une sorte de PNR, de réserve MAB, de Grenelle de l’Environnement, de Commission locale de l’eau informelle où l’on discutera en permanence de ce qui se fait en mer.

Pour préserver autant que faire se peut la biodiversité qui nous reste, on ne peut plus faire l’économie de multiplier les aires protégées, de les lier entre elles. Encore faut-il trouver les ressources pour les rendre acceptables auprès des populations, et les financer. Elles sont sans doute une assurance-vie pour notre espèce, elles sont à coup sûr un cadre de développement serein pour les territoires confrontés aux conséquences du changement climatique. Peu estimées, car mal connues, parce que la biodiversité n’a pas beaucoup de valeur dans notre économie de marché et notre conscience collective, les aires protégées sont pourtant des objets géopolitiques. Comme l’a rappelé Yann Wehrling durant cette journée, un pays comme la Chine a des moyens sans commune mesure avec les nôtres pour « aider » les pays en voie de développement à déployer des aires protégées. Pour autant ce pays, en compagnie du Brésil, de la Russie et des États-Unis, luttent contre l’objectif de 10 % d’aires de protection intégrale pour préserver leurs pêcheries, alors même, insiste Yann Wehrling, qu’une zone préservée est un réservoir de poissons lesquels, au bout d’un moment, en sortent pour aller se prendre dans les filets. L’ambassadeur de France à l’environnement aimerait que la finance carbone s’intéresse à la question. Et que l’on mette en place des solutions pour toute la surface terrestre qui ne sera pas demain, dans les 30 % d’aires protégées. Le but d’une aire protégée est aussi qu’elle diffuse tout autour d’elle.

À quoi servent les aires protégées ?/ 1ère partie

La Stratégie nationale des aires protégées a été rendue public le 12 janvier. Avant d’y revenir, retour en deux parties sur l’habituelle « journée annuelle de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) », qui s’était tenue le 3 novembre dernier. « Les aires protégées, peuvent-elles sauver la biodiversité au XXIe siècle ? », se sont demandé une trentaine de spécialistes, à distance. La réponse semble évidente, car elle loge dans la question. Le point d’interrogation est de trop. Pas sûr. Car la question jette un trouble, sinon, on ne la poserait pas : les aires protégées ne seraient-elles pas si utiles que cela, nous qui croyons volontiers qu’une fois que l’on a préservé légalement une surface, la biodiversité de celle-ci se trouve garantie ? En y réfléchissant, la formulation invite à se pencher aussi sur ses termes : de quelle protection parle-t-on, contre quoi, et pour quoi ? Notre nature humaine est de dénier nos destructions par une fuite en avant ou de les compenser par la création d’espaces de nature sauvage. Nier l’intérêt des aires protégées ou, au contraire, en multiplier les versions les plus strictes, celles où l’homme n’aurait plus qu’exceptionnellement le droit de se rendre, voilà une dialectique facile. Entre les deux, l’espace est cependant large et la question posée par la FRB permet d’imaginer bien des chemins.
Deuxième partie la semaine prochaine

À quoi servent les aires protégées ?

(1ère partie)

© Frédéric Denhez pour FRB

La journée de la FRB est à retrouver ici.

La stratégie nationale, c’est .

En France comme ailleurs, les aires protégées (appelons-les AP) n’ont pas une image tout à fait favorable. Beaucoup d’entre nous les croient encore ennemies de l’économie, de la vie des hommes et des femmes. Elles privilégieraient la vie des animaux, des plantes et des champignons sur celle des paysans, des chasseurs et des artisans. Parcs nationaux et réserves naturelles seraient des empêcheurs de territoires, à emmerder les Français, comme aurait pu dire Georges Pompidou. Car, entend-on, on y a le droit de ne rien faire d’autre que regarder, en marchant, et encore, bien dans les chemins sans penser à cueillir une fleur ou siffler pour embêter les marmottes ! Pourtant, on sent bien que toutes les AP ne sont pas comme cela, car dans la plupart des cas, on ne sait même pas quand on se trouve dans leur emprise. Ce n’est souvent qu’au détour d’un panneau routier qu’on découvre notre présence dans un parc censé être une espace hermétique aux humains. Alors, vraiment stricte, l’aire protégée ? Et puis, sans doute ont-elles une utilité ces zones-là, un mal nécessaire, dans la mesure où nous sommes chaque jour mis au courant par les médias que la nature meure, à cause de nous. La sixième extinction est en train de débarrasser la planète de sa biosphère, cela finira bien par se retourner contre nous, d’ailleurs cela a commencé par le virus. On nous l’a assez dit : SARS-COV-2 ne se serait jamais échappé des forêts chinoises si nous nous n’avions rapproché nos villes. La seule solution est d’enfermer la biodiversité dans une bulle.

Des aires protégées minoritaires

Ce n’est pas tout à fait cela, martèle Jean-François Silvain, président de la FRB. « Les aires protégées sont un outil incontournable pour assurer le maintien des services écosystémiques essentiels à la vie sur Terre et au devenir des populations humaines, mais elles ne sont en aucun cas une mise sous cloche ! Elles doivent aller de pair avec la réduction rapide des pressions, et un effort de pédagogie. » Multiplier les parcs et les réserves sans corriger le système qui les rend plus que jamais nécessaires, ce serait comme empiler les compresses sur le doigt qu’on est en train de couper à la scie. En outre, ne pas considérer les populations concernées par la création ou l’extension d’une AP est le meilleur moyen de les voir s’opposer. « Il s’agit de prendre en compte leurs attentes et leurs contraintes…»

Aujourd’hui, un peu plus de 15 % de la surface de la Terre sont protégés d’une manière ou d’une autre. C’est la moitié de ce chiffre en ce qui concerne les océans. C’est pauvre. C’est en fait indigent : « Moins d’un quart des aires protégées disposent de ressources financières suffisantes, » calcule Jean-François Silvain, « si on ramène cela aux groupes zoologiques, alors que 41 % des amphibiens, 14 % des oiseaux et 25 % des mammifères sont menacés, seuls respectivement 4, 8 et 9 % sont représentés dans les aires protégées dont les moyens sont en adéquation avec les objectifs. » Multiplier les AP comme un enfant ferait des ronds sur une carte a un intérêt limité si en plus de n’être pas réfléchi dans une correction globale des facteurs abîmant la biodiversité, les sous ne sont dépensés que pour la création, et pas pour la gestion quotidienne.

Les aires protégées seraient-elles à côté de la plaque ? En Méditerranée, c’est presque sûr, car les chiffres montrent que les 1 062 aires existantes ne concentrent en réalité que 0,23 % de surface effectivement protégée sous l’emprise d’une réserve intégrale, selon les canons de l’UICN (la catégorie 1a). Moins de 10 % des hot spots de biodiversité de la Terre font l’objet d’une protection… La tendance n’est en plus pas très glorieuse. Elle tend vers le rétrograde : des dérogations, des autorisations de prélèvement de ressources par des industriels, des changements d’usage des sols pour répondre aux besoins agricoles des populations ne cessent d’être prises par des gouvernements, dans la surface d’aires protégées : entre 1892 et 2018, près de 520 000 km2 se sont vu retirer leur statut, quand le niveau de protection de 1 659 000 km2 autres a été diminué.

Convaincre de l’intérêt de sauvegarder de ce qui reste

Nous voilà tout à fait déprimés. « Il faut identifier partout les facteurs de la non-efficacité des aires protégées et développer des indices d’efficacité, » répond J-F Silvain. L’un de ceux-là est la représentativité de la diversité des espèces et des niches écologiques : il ne s’agirait pas de créer une réserve pour une espèce patrimoniale ou deux, et oublier les autres ; mais de laisser tranquille le fonctionnement d’un écosystème. « Sans oublier tout de même les espèces rares, qui sont les plus menacées, » ajoute M. Silvain. Ni le changement climatique, mal pris en compte. Si celui-ci modifie les aires de répartition des espèces, faut-il corriger en conséquence les limites de l’aire protégée ? Sans doute, mais ce serait au prix de la mise en chantier administratif perpétuelle des parcs et réserves. C’est déjà long d’en créer un, alors, s’il faut le transformer tous les cinq ans, pour suivre l’adaptation au changement climatique des espèces et des niches écologiques cibles… « Pourtant, les aires protégées ont un rôle majeur dans cette adaptation. Pour ce faire, il est d’ailleurs important de les relier entre elles, alors que seulement 9,7 % des aires terrestres le sont. » Il y a du travail à faire. Le Giec de la biodiversité, l’IPBES, estime qu’il faudrait préserver 30 % de la surface terrestre, dont 10 % en protection forte, en sachant, rappelle le président de la FRB, que c’est avec la moitié de la superficie planétaire que l’on pourrait peut-être stopper l’effondrement de la biodiversité. Autrement dit, même étendues à presque un tiers de la Terre, les parcs et réserves ne pourront qu’atténuer la pente morbide de l’érosion de la perte.

« Il faut mettre en avant les success-story, insister sur les bénéfices socio-économiques, pour convaincre les décideurs, les acteurs économiques et les jeunes, et puis… se donner les moyens de nos ambitions en n’oubliant pas qu’on est face à l’urgence. » Or, cet objectif de 10 % de surfaces sous protection forte est en train d’être balayé, car les pêcheurs s’inquiètent de ne pouvoir traîner leurs chaluts, et les peuples autochtones d’être chassés. « On n’est pas du tout dans l’unanimité, il faut convaincre, par exemple que c’est utile pour l’économie et la prévention sanitaire. » En effet, préservant aussi des milieux diversifiés et complexes, tout en limitant les interactions avec l’homme, les aires protégées limitent le risque du saut d’espèce, dans les deux sens. En changeant de point de vue, on ne les voit plus comme des ennemies du progrès.

Des lieux de lutte !

Pourquoi développer des aires protégées ? Pour protéger la nature, certes, mais c’est un objectif aussi noble qu’ambitieux et vague. Au départ, rappelle Virginie Maris, quand la forêt de Fontainebleau a été garantie d’une probable coupe rase, en 1853, c’était parce que des peintres la trouvaient inspirante. Artistique. « Aux États-Unis, Yellowstone a été érigé en parc national certes pour le préserver de toute exploitation mercantile, mais aussi pour la satisfaction du peuple, » ajoute la philosophe de l’environnement, directrice de recherche au CNRS, au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe). Érigé en monument national, le parc matérialise un fantasme culturel. Au XIXe siècle, on protégeait donc la beauté. Dans les années 1980, la notion de biodiversité est arrivée. On reformule dès lors la définition pour faire correspondre justifications et objectifs à l’évidence chaque année plus claire du péril menaçant le vivant. « Les aires protégées sont devenues le lieu de la lutte contre l’homogénéisation du vivant. Puis, progressivement, la notion de services écosystémiques est apparue : la nature apporte des services aux populations, par exemple des services culturels et récréatifs. Si ces services disparaissent, les sociétés humaines sont mises en péril. » Les aires protégées sont depuis considérées comme des endroits où l’avenir est encore possible : parce qu’elles préservent la nature, elles nous assurent la pérennité de la fourniture de services tellement utiles à notre vie. La philosophe va plus moins en en faisant des objets politiques : « On comprend que la nature produit des valeurs que l’on ne peut produire à sa place, du coup, les aires protégées peuvent être considérées comme des remparts, une protection face au régime capitalo-industriel qui exploite les ressources naturelles. »

Il s’agit donc de les multiplier, partout. Maintenir et étendre les structures existantes. Mais attention, prévient Virginie Maris : la vigilance s’impose, car l’acceptation sociale et économique d’une emprise chaque année plus forte des aires protégées sur la surface de la Terre pourrait se traduire, en forme de compensation, par un laisser-aller partout ailleurs. « Il ne faut pas que protéger la nature à l’intérieur de parcs et réserves permette de justifier de faire n’importe quoi à l’extérieur ! Il faut de même éviter que les États ne se dédouanent de leurs responsabilités environnementales en créant des aires protégées pour faire plaisir sans rien changer à l’économie et l’aménagement du territoire… » Les promoteurs des AP doivent faire très attention à ce que leur objet de passion ne soit pas utilisé pour d’autres fins. L’histoire invite en effet à être attentif : dans nos anciennes colonies, analyse Virginie Maris, les parcs ont avant tout servi à « civiliser » les autochtones, voire, à les chasser afin que la nature ne profite qu’à nos yeux et à nos appétits. Il y a toujours un dessein politique derrière l’affichage de la protection de l’environnement, il faudrait être naïf pour imaginer le contraire, encore faut-il que cela serve un dessein environnemental. « En cela, les aires protégées doivent aujourd’hui endosser un rôle politique majeur : servir de zone atelier, de modèle de cohabitation harmonieuse et durable entre les populations humaines et non humaines. Finalement, face à notre domination, les AP sont les seules formes possibles d’autolimitation… » Les zones de protection forte, faut-il comprendre. S’interdire de toucher.

Là où l’évolution devrait pouvoir s’exercer

François Sarrazin appuie les propos de Virginie Maris. Le président du conseil scientifique de la FRB, professeur à Sorbonne université et chercheur au Centre d’écologie et des sciences de la conservation considère que parcs et réserves sont les lieux de « libre expression » des non-humains : « C’est comme cela qu’il faut les présenter ! Même les zones de protection intégrale… devraient être renommées aires de liberté intégrale ! Ce serait mieux, car cela donnerait une valeur semblable à la nature et à nous. » Ce qui ne veut pas dire, précise-t-il, qu’il se met à la place de la mésange, la considérant comme son égal, non, il prône juste une forme d’égalité des chances afin de limiter l’anthropisation du monde. « Il faut voir que nos espaces naturels sont, à l’échelle évolutive, pilotés massivement par l’homme. Les aires protégées doivent permettre à l’évolution de se libérer de notre emprise. » Que les mécanismes évolutifs puissent s’exercer, enfin ! Dans des espaces qui devraient la prendre en compte, y compris dans leur conception et leur pilotage, ce qui implique d’avoir une réflexion sur les échelles spatiales et temporelles. Statiques, les aires protégées devraient pouvoir… évoluer, afin que la biodiversité ne soit pas assujettie à notre seule valeur adaptative, à notre unique bien-être. « C’est une approche que je qualifie d’évocentrée, centrée sur l’évolution des êtres, qui permet de dépasser l’anthropocentrisme et donc, l’anthropocène. » Voilà une idée qui donne un coup de vieux à ces vieux débats qui opposent encore protection forte ou faible, partage (land sharing) ou séparation (land sparing) de l’espace terrestre avec les êtres vivants.

L’impossible design

Cela ne va pas faciliter le travail de modélisation, le « design » des aires protégées ! C’est déjà compliqué comme cela, alors, ajouter une dimension évolutive… Comment conçoit-on un parc, tiens ? Directeur de recherche en écologie marine au Centre d’études biologiques de Chizé/ La Rochelle Université, Yann Ropert-Coudert travaille sur l’élaboration d’un parc marin international dans les eaux de l’Antarctique. C’est un peu loin de chez nous, et on se dit que cela doit être plus facile, car la densité de population humaine est proche de zéro au revers du monde. A priori, il suffit de promener un feutre sur une carte marine. Erreur ! « On a plusieurs solutions pour tracer les limites. Regarder la distribution des prédateurs supérieurs, ou bien repérer les zones écologiquement importantes pour l’ensemble des mammifères. En sachant que la couverture de glace empêche d’avoir accès à certaines couches d’information. » Cela fait dix ans que Yann Ropert-Coudert étudie 17 espèces d’oiseaux et de mammifères situées aux sommets du réseau alimentaire antarctique. Huit ans que lui et ses collègues proposent aux autorités (la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique – la CCAMLR) la création d’aires marines protégées (AMP) à partir des aires d’importance écologique qu’il a pu identifier en croisant ses indicateurs. « On se fait tout le temps retoquer parce que nos projets ne concernent que peu d’espèces à protéger ! » Alors qu’elles sont représentatives du reste, de tous les niveaux trophiques inférieurs.

En plus, les dés sont faussés, car les décideurs ont en leur possession d’autres indicateurs, économiques, dont les chercheurs ne disposent pas. Il y a en effet de l’économie de l’autre côté de la Terre. Il y a même une pression, assure Yann Ropert-Coudert. « Une double : il y a le tourisme – eh oui ! – avec 58 000 personnes qui visitent l’Antarctique chaque année, mais ça, c’est pas trop mal cadré ; il y a aussi la pêche. » Logique : là où il y a concentration de super-prédateurs, c’est forcément là où il a beaucoup de proies, qui attirent les pêcheurs… Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin le refus des autorités à établir par exemple un grand parc marin au sud des îles Malouines, dans une région de l’océan austral qui agrège tous les bons indicateurs écologiques, et forcément, les chalutiers industriels. L’homme est un prédateur comme un autre. « La définition des frontières d’une aire protégée est avant tout politique, ce qui la rend difficile à établir et encore plus à faire évoluer, » dans l’optique d’une adaptation aux dynamiques évolutives et climatiques.

De l’importance des connexions

La dynamique peut cela dit être pensée en amont, en dessinant les connexions entre aires protégées existantes ou en gestation. Cécile Albert travaille sur cette question, en milieu terrestre. « L’objectif de 30 % de surfaces protégées d’un bloc, ça n’a pas de sens. Il faut que les espèces puissent se déplacer d’un endroit à l’autre, » nous rappelle cette chargée de recherche à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) d’Aix-en-Provence. Ceci rend caduc, une fois de plus, le débat caricatural entre land sharing et land sparing, entre protection forte et faible. « Il faut un peu des deux, à la fois des zones très protégées, des parcs nationaux, et un maillage fin de trames vertes et bleues. » Lesquelles peuvent être des chemins creux, des haies, des marais, mais aussi des avenues bordées de hauts arbres, des friches industrielles et commerciales ou des délaissés d’infrastructures linéaires comme les autoroutes ou les lignes à haute tension. « L’essentiel c’est qu’un corridor, quel qu’il soit, ait une richesse en soi. Il doit être considéré comme une aire protégée et donc faire l’objet de la même attention scientifique. » Moyennant quoi serait peut-être réalisable la capacité d’adaptation réclamée pour les parcs, en réponse aux façons qu’ont les espèces de réagir au changement climatique.

« En fait, un réseau d’aires protégées doit être un projet de territoire. Or, on fait plus souvent du paysage que de l’écologie, parce que souvent les chercheurs ne sont pas impliqués lors des décisions. » La population ne l’est pas plus, cela dit. On ne lui demande que rarement ce qu’elle veut pour son territoire vécu, alors même qu’une protection, sous une forme ou une autre, c’est une modification du rapport au paysage, c’est-à-dire, de l’imaginaire. On ne décrète pas un parc comme cela, sans crier gare, pas plus qu’on ne prétend planter des éoliennes sur l’horizon sans préparer les esprits. Cependant, les aires protégées sont parfois présentées comme indispensables à la protection d’une espèce emblématique, un argument censé s’imposer de lui-même. Le débat, quand il a lieu, se focalise alors sur un pour/ contre qui fait oublier l’importance de préserver avant tout la fonctionnalité d’un écosystème entier. À trop crier au loup…

Un impact bien trop faible

Une fois en fonction, l’AP est-elle fonctionnelle ? Telle est la question. Le facteur essentiel semble être le niveau de protection, selon Joachim Claudet. Directeur de recherche au Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (Criobe) du CNRS, il a développé une classification des aires marines protégées en fonction de leur niveau de protection réelle. « Cela nous permet d’imaginer les aires marines futures selon ce qui marche, ou pas. » L’avantage est que les AMP sont plus nombreuses que les aires terrestres, et en définitive plus faciles à expertiser. Les résultats sont pour le coup assez robustes… dans le dépit : « En fait, il y a beaucoup d’AMP pour lesquelles on ne mesure aucune différence entre l’intérieur et l’extérieur, » en Méditerranée en particulier comme le signalait déjà Jean-François Silvain. Le tableau de Joachim Claudet croise à la fois le niveau de protection et la qualité de la gestion. La conclusion est simple, et assez attendue : ce sont les aires les mieux gérées qui sont les plus efficaces, quel que soit le niveau de protection. Tout de même, l’idéal est d’avoir un espace à la fois fortement protégé et correctement géré. À cette aune, « les aires marines protégées telles qu’on les a développées en France ne sont pas pertinentes pour la protection de la biodiversité. Ce qui marche vraiment, on le sait, ce sont les réserves intégrales, comme celle de Cerbère-Banyuls [650 ha à quelques encablures de Banyuls]. » La France déclare 60 % d’AMP sur ses côtes méditerranéennes, mais seuls 0,1 % (ou 0,2 %, ou 0,3 % selon les observateurs) est dans un cadre de ce type. « En Atlantique et en Manche, c’est pire : 50 % d’AMP sur le papier, mais 0,01 % seulement en protection intégrale ! » Les aires marines protégées seraient-elles des « parcs de papier », qu’on décrète pour faire de la communication politique ? C’est efficace quand la France décrète des parcs nationaux en outre-mer où les pressions sont les plus faibles : bel affichage sans trop d’efforts. « 80 % de la protection intégrale française est concentrée dans les TAAF, cela monte à 97,4 % si l’on ajoute la Nouvelle-Calédonie ! » Facile, là où il n’y a pas grand monde et les zones économiques exclusives sont gigantesques. La France peut se montrer écologiquement vertueuse sans faire beaucoup d’efforts, comme quoi ses anciennes colonies lui sont toujours utiles. « Il faudrait établir 10 % de protection forte sur chacune de nos façades littorales » espère Joachim Claudet. Des zones dans lesquelles on pourrait pêcher, mais sans chalut. Pour autant, faut-il jeter les AMP existantes ? Elles sont sans doute peu efficaces pour garantir la biodiversité, elles le sont vis-à-vis de nous-mêmes parce qu’elles obligent les usagers de la mer à se mettre d’accord sur des pratiques plus douces visant à préserver un patrimoine commun. Ce sont des aires de régulation des usages. C’est déjà beaucoup.

Elles sont surtout là où c’était le plus facile

Sur terre, plus de questions se posent, car les usages sont plus nombreux et les contacts entre humains et nature beaucoup plus faciles. Directrice de recherche au CNRS et responsable du département Dynamique et conservation de la biodiversité au Cefe, Ana Rodrigues se pose plein de questions, que l’on va résumer en une seule : « Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu d’aire protégée ? » À la fois pour les humains et les non-humains… C’est très difficile à mesurer. Ne serait-ce qu’en raison d’un biais : « les aires protégées qui semblent efficaces, parce qu’on y trouve plein d’espèces rares, le sont-elles parce qu’elles ont créé une différence ou bien parce qu’on les a implantées dans des endroits où la pression humaine était très faible ? » Une question intéressante dans la mesure où beaucoup des parcs nationaux français sont montagnards. Or, on ne peut pas dire que depuis que la Vanoise, les Écrins, les Pyrénées et le Mercantour existent, le ski ne s’est pas développé dans les hauteurs ! Ana Rodrigues observe le même biais partout dans le monde, qui conduit à surestimer l’impact des aires protégées.

Existe-t-il tout de même un signal de protection réelle dans la masse de données que l’on est capable de recueillir ? Pas sûr. Pas besoin d’attendre pour l’avoir, cela dit : « une aire protégée qui marche, ce n’est pas une surface toute seule, cela doit être un réseau, avec de bonnes connexions, suffisant en superficie et placé au bon endroit… et pas seulement là où c’est le plus facile, en montagne ou en haute mer. » C’est plus difficile en plaine, où l’occupation humaine est plus forte. Il s’agit également de se donner les moyens : selon Me Rodrigues, un quart seulement des gestionnaires de zones protégées disent avoir assez de sous pour exercer leurs fonctions. « Or, plus il y a d’activités autorisées dans une aire protégée, plus c’est difficile à gérer, et donc, plus coûteux, alors que c’est moins efficace, » du moins en mer, ajoute Joachim Claudet.

En fait, les AP sont des moyens, pas des objectifs de conservation. Or, autant il est facile de mesurer les moyens (humains, financiers), autant il est difficile de jauger de l’effet réel d’un parc sur l’état des espèces et des fonctionnalités écologiques. Des données existent, bien entendu, mais « on ne peut pas se contenter d’observations par satellites. Il faut du terrain, et cela, ce sont les pays riches qui en font, alors que ce sont eux qui ont le moins de biodiversité ! » Tout ce que l’on peut dire, ajoute Ana Rodrigues, c’est que sans les AP, la pression anthropique aurait augmenté… telle qu’on la mesure par le niveau de déforestation ou de pollution lumineuse nocturne, moins élevé dans les AP. Elles contribuent donc à ralentir la perte de biodiversité, pas à l’arrêter et encore moins à la ralentir. C’est déjà cela. Il manque une autre facette, l’impact… sur l’homme. « Il faut aussi mesurer les conséquences socioculturelles des aires protégées, par exemple le lien entre la proximité avec celles-ci et le changement de comportement des usagers. » On sait déjà que là où il y a eu concertation, les comportements changent, à l’échelle d’une génération. Un bénéfice, lointain.

Ce sont des équipements scientifiques !

Il y a une conséquence socioculturelle tellement évidente que personne ne la voit : les aires protégées sont des laboratoires de recherche à ciel ouvert. Responsable scientifique du Parc national des Écrins, Richard Bonet y va carrément : « Un parc national c’est un équipement scientifique comme un synchrotron, on y fait de la recherche qu’on ne pourrait pas faire ailleurs, parce que la pression humaine y est moins forte que partout ailleurs. » Un parc, c’est un bruit de fonds réduit, comme un ciel très noir et des sols jamais labourés. « C’est ce que je dis toujours aux élus des communes couvertes par les Écrins : vous avez un territoire intelligent, avec les lacs d’altitude les plus hauts d’Europe, le glacier rocheux le plus suivi, une réserve intégrale [du Lauvitel] d’une grande taille… cela devrait attirer les touristes, le tourisme scientifique ! » Lequel reste à développer. Cela attire en tout cas nombre de bénévoles sans qui… les chercheurs ne pourraient travailler, comme le rappelle Yves Verilhac, directeur général de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). « Une grande partie des données concernant les aires protégées, la biodiversité, est fournie par les sciences participatives. » La LPO fait sa part avec son réseau de 1 200 salariés, sur une vingtaine de milliers de bénévoles qui, chaque jour, font des coches. « Cela nous fait une cinquantaine de millions de données consolidées, avec lesquelles on fait des atlas, des suivis de migrations etc. mais il nous manque encore des états zéro. » Les scientifiques fournissent les protocoles, un recul et des normes, les bénévoles les alimentent. Le terrain dit des choses : « Dans les réserves naturelles que nous avons en gestion, on voit que les trois quarts des espèces des zones humides vont mieux qu’à l’extérieur, et cela, pour un coût de création et de gestion inférieur à un rond-point. » L’écologie n’est pas dispendieuse, l’argent est bien dépensé.

La concertation est un art majeur

Existe-t-il un lien entre le niveau de dialogue avec les populations locales et l’efficacité d’une aire protégée ? Dans les Alpes, Isabelle Arpin a travaillé sur les processus participatifs. « On considère que c’est plein de promesses, il y a peu de critiques faites, car la participation apparaît comme une évidence pour améliorer le dialogue avec les acteurs locaux, prévenir ou diminuer les conflits pour atteindre les objectifs de protection que l’on se donne. » Sur le terrain, c’est évidemment un peu autre chose nous apprend la sociologue au Laboratoire des écosystèmes et des sociétés en montagne (LESSEM) du centre INRAE de Grenoble. : « tout dépend des rapports de force, du degré d’ouverture et de transparence des institutions et des acteurs, mais aussi des expériences antérieures en matière de participation, ainsi que des moyens humains et des compétences mises en œuvre. » La participation pour la participation n’est pas la meilleure option, elle n’a d’intérêt que si dans sa forme elle est adaptée à ce que l’on vise, au temps disponible et à la réalité des rapports de force. La participation, c’est comme une loi, on pense qu’il suffit d’en faire une pour régler le problème. Ou l’évacuer. « Mieux vaut faire moins de participation, mais mieux, car beaucoup de processus participatifs ne servent à rien. Il faut vraiment être lucide. » Ne serait-ce qu’à propos du coût de cette démarche qui prend du temps, mobilise des compétences et des structures. La participation, ce n’est pas bon marché.

Elle peut aussi avoir des effets pervers. Utilisée, détournée, elle peut n’être qu’un théâtre, une comédie humaine donnant l’impression que l’on va faire, tout en ne servant qu’à l’intérêt des organisateurs. L’éventuelle aversion des gestionnaires d’espaces protégés pour les conflits peut aussi les empêcher d’organiser ou de participer vraiment à des événements participatifs, ce qui finit par nuire à leur cause : si l’on ne voit pas les responsables d’un parc, celui-ci s’éloigne de la vie des gens. Les chausse-trapes sont nombreuses. « Un processus participatif, c’est un gain de légitimité procédurale pour les acteurs locaux. Mais cela ne garantit en rien la réussite : un processus participatif peut être manipulé, et dériver du compromis à la compromission, c’est un risque. Il faut vraiment que les animateurs aient cela en tête. » Plus simplement, ce n’est pas parce qu’on réunit convenablement des gens, que l’affaire va réussir. Le débat est un art à manier par des professionnels qui savent identifier pour cadrer, voire, rejeter, tout élément perturbateur, toute émotion toxique. Si tant est qu’on leur a indiqué dans quel but on se réunit.

Les zones tampons sont-elles bien utiles ?

Ces débats ont lieu en principe de façon naturelle dans les zones tampons des parcs nationaux. Dans ces périphéries des aires protégées où la pression humaine diminue graduellement. Il n’y a que la France à les avoir institutionnalisées. En 2006, la modification du statut des parcs nationaux a transformé ces zones tampons en « aires d’adhésion », pareilles partout. « Les résultats sont très inégaux », analyse Lionel Laslaz, maître de conférences au laboratoire Environnements, Dynamiques et Territoires de la Montagne (Edytem) de l’Université de Savoir. « Le taux d’adhésion se situe entre 73 et 90 % pour les parcs de première génération, les plus anciens, mais il n’est que de 45 % pour Port-Cros et de… 5 % pour la Vanoise ! » Des chiffres faibles, car ces deux derniers parcs se situent dans des zones touristiques. Cela paraît incompréhensible, car avec ou sans parc, les touristes sont toujours venus plonger ou naviguer à Port-Cros et skier en Vanoise. Un parc n’empêche pas de vivre, alors pourquoi ne pas adhérer à son pourtour ? La mauvaise image est tenace. « En réalité, il n’y a pas vraiment de réglementation en dehors du cœur des parcs : la preuve, c’est en Vanoise que le domaine skiable est le plus étendu ! » Le parc passe encore pourtant pour une cloche empêchant tout développement économique. « Il faut comprendre que le contexte français est particulier, avec l’importance des maires. Dans les autres pays du monde, il est moindre, car le pouvoir est ailleurs. » En fait, les maires et leurs habitants étaient déjà habitués au cœur, pourquoi leur a-t-on demandé d’adhérer à ce qu’ils parcouraient déjà dans leur vie quotidienne ?

Allons voir en Côte d’Ivoire si les zones tampons se débrouillent mieux. Anthropologue, Vincent Leblan est chercheur au laboratoire Patrimoines locaux, Environnements et Globalisation (Paloc) de l’Institut de la recherche pour le développement (l’IRD). Il a étudié des parcs dans ce pays ainsi qu’en Guinée, en Guinée-Bissau et au Mali. « La première zone tampon a été installée en 1977 autour du parc du Taï de façon à agrandir sa surface et diminuer les effets de lisière. Mais le statut de cette zone était ambigu. Il y a par exemple le classement de forêts exploitées par l’État pour faire tampon entre les activités des riverains et les parcs nationaux. Aujourd’hui, beaucoup ont été converties en plantation de cacao ! » Dans le Taï toujours, un contrat de gestion a été mis en place avec les populations vivant sur la zone périphérique mais, l’Allemagne étant impliquée, il est dit que les terres n’appartiennent plus vraiment aux gens.

Ailleurs, les populations adhèrent aux zones tampons car elles leur assurent une protection foncière face aux habitants des pays bordiers qui s’installent chaque année plus nombreux dans les plantations de cacao. En Guinée et Guinée-Bissau, ce sont les pratiques des cultivateurs qui ont créé des sortes de réserves qui ne disent pas leur nom. « L’agriculture sur brûlis crée des jachères qui profitent par exemple aux chimpanzés. De jachères en jachères, les animaux sont plus nombreux. » Au Mali, le système gérontocratique contraint les jeunes à quitter leurs villages pour s’installer. « Les meilleures terres sont aux plus âgés, alors les jeunes vont en chercher ailleurs, puis ils reviennent au village. Ainsi, des fronts de culture apparaissent, puis sont abandonnés, des manguiers et des baobabs en profitent, et cela est bénéfique aux animaux. » Voilà des zones qui seraient qualifiées de tampon chez nous et constituent à elles seules des aires protégées dynamiques…

La suite au prochain numéro…

BO-NNE-AN-NÉE, si si !

Elle est partie, vous êtes sûr ! ? L’année pourrie, là, son virus, ses grèves, ses barbus qui coupent des têtes, ses Turcs qui coupent des Arméniens, son Trump qui ne se coupe pas les cheveux, ses flics qui coupent des yeux, le Macron comme à l’ORTF, l’abbé Véran-le-masque-n’est-pas-utile, Saint Raoult-tu-veux-de-la-chloro-frère- ? les collapsos en extase on-vous-l’avait-bien-dit, les plateaux télé sans maquilleuses, les webinaires seul depuis des plateaux télé, les rayons du Monop’ vides de PQ, Delfraissy qui fait peur aux enfants, Ségolène Royal qui n’était pas en retraite, Juliette Ouin-Ouin Binoche non plus, les roses qui fleurissent encore devant ma porte début décembre, les séries à la con de Netflix, les gens apeurés qui deviennent cons, les visios en slip, les attestations-sinon-t’es-puni, où c’est que j’ai mis mon masque ?

2020, c’était l’année du rat, on aurait dû se méfier. 2021, c’est l’année du buffle de métal, on est sauvés : y en a pas chez nous.
Bonne année ! Ça ne pourra pas être pire, de toute façon.

L’écologie près de chez nous…

Mais si, ça avance ! Il y en France plein de gens, de communes, d’entreprises, de pêcheurs, d’agriculteurs, d’artisans, d’associations, d’administrations qui font avancer les choses. D’autant plus fort et vite qu’ils ne donnent de leçons à personne et ne le crient pas sur tous les toits. Ils ne portent pas l’écologie en étendard, ils l’ont installée en filigrane. Ils veulent simplement faire en sorte que leurs territoires restent beaux, et le soient plus encore, demain. Alors ils changent leur façon de voir, de faire, et mine de rien, ils changent la société. Conscients de leur dépendance à la nature, et que celle-ci a aussi besoin d’eux, ils en parlent, ensemble, ils font démocratie en causant de l’eau, des sols, des espèces ou de l’énergie. Ils font de l’écologie du quotidien, près de chez nous. Ces gens, j’en rencontre de plus en plus et j’ai voulu les montrer. Dans le pays de Guérande, qui n’existe que par la volonté des Hommes de rester entre l’eau douce, l’eau de mer et la terre, dans un entre-deux qui concentre beaucoup de gens et le reste du vivant selon une cohabitation qui fait assez plaisir.

Diffusion ce samedi 12 décembre à 20h45, sur UshuaiaTV !

L’ÉCOLOGIE PRÈS DE CHEZ NOUS, EN PAYS DE GUÉRANDE

Documentaire de 52 minutes

Inédit, 1ère diffusion le samedi 12 décembre à 20h45 

Écrit et incarné par Frédéric Denhez, Réalisé par Éric Wastiaux, Filmé par Stéphane Rossi, Sonorisé par Xavier Plouchart


Une coproduction Les Films en Vrac et Ushuaïa TV

Bande annonce ? Cliquez sur l’image !

Coulisses et bios ? Ci-dessous !

Éric Wastiaux, la rolls de la réal’.

Stéphane Rossi, l’incroyable picturaliste.

Xavier Plouchart, le radical du micro qui frotte.