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INFOLETTRE N°93

À quoi servent les aires protégées ?/ 2de partie

Jan 21, 2021

La Stratégie nationale des aires protégées a été rendue public le 12 janvier. Avant d’y revenir, retour en deux parties sur l’habituelle « journée annuelle de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) », qui s’était tenue le 3 novembre dernier. « Les aires protégées, peuvent-elles sauver la biodiversité au XXIe siècle ? », se sont demandé une trentaine de spécialistes, à distance. La réponse semble évidente, car elle loge dans la question. Le point d’interrogation est de trop. Pas sûr. Car la question jette un trouble, sinon, on ne la poserait pas : les aires protégées ne seraient-elles pas si utiles que cela, nous qui croyons volontiers qu’une fois que l’on a préservé légalement une surface, la biodiversité de celle-ci se trouve garantie ? En y réfléchissant, la formulation invite à se pencher aussi sur ses termes : de quelle protection parle-t-on, contre quoi, et pour quoi ? Notre nature humaine est de dénier nos destructions par une fuite en avant ou de les compenser par la création d’espaces de nature sauvage. Nier l’intérêt des aires protégées ou, au contraire, en multiplier les versions les plus strictes, celles où l’homme n’aurait plus qu’exceptionnellement le droit de se rendre, voilà une dialectique facile. Entre les deux, l’espace est cependant large et la question posée par la FRB permet d’imaginer bien des chemins.

À quoi servent les aires protégées ?

(2de partie)

© Frédéric Denhez pour FRB

La journée de la FRB est à retrouver ici.

La stratégie nationale, c’est .

Des amortisseurs sanitaires

Les aires protégées peuvent-elles nous aider à affronter les zoonoses ? En concentrant la biodiversité, elles augmentent le nombre d’agents pathogènes et de vecteurs. Mais en diminuant les contacts avec l’homme, le risque est faible. Par symétrie, il est logique de supposer qu’en leur absence, le risque augmente. « Il y a deux à trois nouveaux agents infectieux par an depuis une cinquantaine d’années, alors que les espaces intacts sont de moins en moins présents, » constate Hélène Soubelet, directrice de la FRB. « 77 % de la surface terrestre et 87 % de la surface maritime ont été modifiés par l’homme, la biomasse des mammifères sauvages est passée de 40 millions de tonnes il y a 100 000 ans à 7 millions aujourd’hui. » Il y a plus de poules, de vaches et de cochons que de chauves-souris et de pangolins. En mer, on serait passé de 200 millions de tonnes de mammifères marins à moins de 4 aujourd’hui. La biodiversité baisse, et donc, a priori aussi, celle des agents pathogènes et de leurs vecteurs, pourtant, le nombre de zoonoses est en croissance. « En fait, il y a corrélation entre changements environnementaux, perte de biodiversité et émergences infectieuses », même si celles-ci sont rares, car ce n’est pas parce qu’un virus a plus de chances aujourd’hui de passer de son hôte habituel à l’homme qu’il sera infectieux pour celui-ci : le parasite doit évoluer en fonction de son nouvel hôte.

Néanmoins, on connaît les facteurs qui favorisent de telles émergences : la perturbation des écosystèmes entraîne à la fois des modifications des liens coévolutifs entre hôtes et pathogènes ; la modification des chaînes trophiques qui aboutit à la réduction du nombre des espèces situées entre le vecteur d’un pathogène et nous, et peut faire exploser les effectifs d’un vecteur par disparition de son prédateur. « La richesse et la complexité d’un écosystème naturel augmentent le danger microbiologique, mais pas obligatoirement le risque infectieux. »

Sauf si l’exposition est augmentée par la diminution de la distance entre notre espèce et cet écosystème fragilisé. Alors le risque se rapproche-t-il du danger. Exemples. Des études ont montré que le paludisme en Asie et en Amérique du Sud a crû avec le changement d’affectation des terres. En Malaisie, le virus Nipah a profité de l’intensification de l’agriculture. En Afrique centrale, c’est la chasse et la déforestation qui ont favorisé le virus porteur d’Ebola. Dans la même zone géographique, le virus Marburg doit son succès à l’exploitation minière ainsi qu’à la viande de brousse qui nourrit les ouvriers. L’urbanisation est reconnue comme responsable principale de l’augmentation de la prévalence de la dengue. Quant aux coronavirus Sars et Mers, c’est à la fois le commerce d’animaux sauvages et de bétail, et l’empiétement des hommes sur les milieux naturels. « Une étude récente a montré que les porteurs de pathogènes partagés avec l’homme étaient plus nombreux dans les milieux dégradés. Pourquoi ? D’autres études montrent que les espèces hôtes sont plus aptes à s’adapter à des environnements dégradés, mais moins à éliminer leur pathogènes : leur stratégie est de se reproduire plus vite, ce qui augmente d’autant le risque d’être contaminé, nous, humains, par simple accroissement de la probabilité de contact. » Grandes et bien gérées, les AP peuvent servir de tampon contre le risque épidémique, en pondérant les changements dans l’abondance et la distribution des hôtes, mais aussi en réduisant les contacts avec les humains. On comprend mieux pourquoi des chercheurs estiment que ce n’est pas 30 % de la surface terrestre qu’il s’agirait de protéger, mais la moitié.

Des parcs, des taxes ?

Encore faut-il les financer, les aires protégées. On connaît l’effet positif, bien documenté, des aires protégées sur les indicateurs de santé, de pauvreté et de richesse des ménages qui ont des autorisations d’usages. On a beau se dire qu’aux États-Unis, les parcs nationaux représentent 341 000 emplois et génèrent environ 41 milliards de dollars de chiffres d’affaires, pour un budget annuel de 2 milliards. À l’échelle du monde, des chiffres circulent : les AP créent 6 000 milliards de dollars de flux financiers, soit environ 8 % du PIB planétaire. Un chiffre trois fois supérieur à l’industrie du tourisme de plein air. Toutefois, ces bénéfices se mesurent à long terme tandis que l’investissement et l’entretien sont des coûts quotidiens qui rebutent d’autant plus que la biodiversité n’a pas de valeur intrinsèque. « Ce que l’on constate est que les surfaces protégées augmentent avec des moyens en diminution, et que l’essentiel des financements est public », mesure Harold Levrel. Le professeur à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement d’AgroParisTech, et chercheur en économie écologique au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) de Nogent-sur-Marne prend l’exemple des zones Natura 2000 : elles bénéficient de 150 millions d’euros par an, alors que d’après lui, 370 millions seraient nécessaires. Deux cent trente-six équivalents temps plein les font vivre, mais il en faudrait quelque six cent cinquante-cinq. « La situation est la même partout, sauf en Afrique du Sud et au Kenya, où il n’y a pas de déficit. » Des pays où pourtant les parcs gagnent de l’argent par le tourisme et la chasse. « La répartition des dotations entre public et privé n’est en fait pas en lien avec l’ampleur d’un déficit. » Le privé n’évite pas les gouffres : préserver l’environnement c’est comme les hôpitaux ou les transports en commun, c’est impossible à rentabiliser.

Comment alors financer les 30 % d’aires protégées que l’on espère ? Harold Levrel pense aux espaces naturels sensibles, les ENS. Propriétés des départements qui en délèguent la gestion à des associations, ils ont pour vocation de préserver des sites de proximité tout en les montrant au public. Il en existe 4000, répartis sur 99 départements, soit 20 000 ha pour une somme annuelle de 150 millions d’euros, financée par une part de la taxe d’aménagement prélevée sur les permis de construire. « Un mécanisme similaire finance le Conservatoire du Littoral : il bénéficie du droit annuel de francisation et de la navigation des navires de plaisance. » Ce DAFN est une taxe qui s’applique à la longueur ou la puissance des bateaux de plaisance. Moyennant quoi le Conservatoire du Littoral, de même que les conseils départementaux en ce qui concerne les ENS, a les moyens d’acheter des terres. Pour les frais de fonctionnement, c’est un autre budget. Aux dernières nouvelles, dans le cadre du Projet de loi de Fiances 2021 (PLF), le Parlement a décidé de détourner l’essentiel de la part de la taxe d’aménagement affectée au financement des ENS vers celui du fonds de renaturation des friches industrielles et des sols pollués.

Réserves privées ou droits d’entrée

Au Québec, on a pris le problème autrement : on fait payer. À la fin des années 1990, la situation des parcs nationaux y était telle que le gouvernement de l’époque envisageait d’en vendre certains. La réforme votée en 2001 a été complète, explique René Charest, spécialiste en conservation pour le réseau des parcs nationaux à la Société des établissements de plein air du Québec (Sepaq) : « L’État a confié la gestion de 23 de ses 29 parcs nationaux [couvrant 7 000 km2] à une entreprise privée qui appartient au gouvernement, la Sepaq. Toutefois, contrairement à ce qui se passait avant, il n’y a pas de lien entre les dépenses et les revenus, car l’État n’est pas le plus compétent pour gérer une activité commerciale. » Avant, revenus et dépenses ne se parlaient pas, les premiers finissaient dans un pot commun, et les parcs n’en voyaient pas la couleur. Au Québec aujourd’hui, les visiteurs de parcs sont des clients, qui paient un droit d’entrée (8,80 dollars, les moins de 17 ans ne paient pas, il existe des cartes d’abonnement annuel que les municipalités peuvent prendre en charge), puis l’accès aux campings ou aux cabanes en location. « Le gouvernement nous verse des honoraires de gestion, de l’ordre de 13,5 millions de dollars canadiens (c’était 27 il y a vingt ans), le reste, c’est les revenus que nous générons », soit 82 % du budget total des parcs nationaux gérés par la Sepaq.

Une philosophie opposée à celle de la France où l’équité prime : chacun doit avoir accès à la nature, quand il en a envie. Un principe à peine remis en cause par l’instauration du paiement des parkings ici et là dans les parcs nationaux. « Doit-on répartir les coûts d’accès aux sites à l’ensemble des citoyens, ou seulement sur la minorité qui y viendra ? Nous avons choisi la deuxième option, tout en ayant garde à ne pas porter atteinte à la mission de protection qui est la nôtre. » La réforme a provoqué une augmentation de la fréquentation, donc des revenus, pour autant, assure René Charest, cela n’a pas entraîné de surfréquentation dommageable aux sites fragiles. « C’est facile à gérer en fait : on ne vend plus de tickets, ou on ferme les parkings ! » M. Charest trouve que les budgets de fonctionnement versés par l’État en France (80 millions d’euros, pour dix parcs dont les cœurs occupent 5 110 km2, 20 de plus en comptant la Guyane) sont considérables. Pourtant, chez nous, il s’étonne toujours de traverser des parcs sans s’en rendre compte. Nos parcs nationaux sont discrets, en dépit de ce qu’ils coûtent.

La France doit-elle s’inspirer de sa cousine ? Harold Levrel est sceptique. Il regarde plutôt vers la gestion de notre patrimoine culturel : « Il y a le 1 % culturel et des dispositifs fiscaux qui aident au financement des biens culturels, on pourrait s’en inspirer. » Un exemple qui montre à quel point le patrimoine naturel reste intrinsèquement sans beaucoup de valeur dans notre pays. D’ailleurs, les fiscalistes montrent qu’une surface simplement naturelle est deux fois plus taxée qu’un portefeuille d’actions. Il n’y a aucun avantage fiscal à vouloir préserver l’environnement. Il n’a pas beaucoup de valeur en soi, sinon, certains se raient battus contre Bercy pour obtenir quelques niches fiscales.

L’idée de faire payer l’entrée d’une zone naturelle hérisse les cheveux de Madeline Urbin. Pour la directrice de l’Aspas (Association pour la Protection des Animaux Sauvages), c’est impensable, car cela va à l’encontre de la philosophie maison. Pourtant, l’Aspas est propriétaire de réserves privées… non payantes. « On acquiert le foncier par appel à dons. Parce qu’on a compris que c’est par la propriété que l’on peut décider d’une protection forte. » Grâce à 20 000 donateurs, 5 réserves ont pu être créées sur le territoire métropolitain. Particuliers, fondations, entreprises, le panel des donateurs est large. « L’idée n’est pas de mettre la nature sous cloche, au contraire, c’est de la rendre disponible. Les balades sont autorisées, bien entendu, mais sur des itinéraires, des sentiers balisés. » L’agriculture, la chasse, la coupe de bois et autres usages invasifs sont interdits, ce qui ne facilite pas l’arrivée de l’Aspas sur un territoire avec un projet de réserve. « Le principe de libre évolution fait peur, le fait que la nature va enfin pouvoir choisir d’évoluer sans la contrainte de l’homme. Mais globalement, les gens adhèrent, car grâce à ces réserves, on leur montre comment ils peuvent s’émerveiller près de chez eux. » Et Madeline Urbin l’assure, car l’idée reçue circule, elle ne vole personne : les terres sont achetées sous contrôle des Safer.

Des aires de développement territorial

Comme l’Aspas, les réserves Man & Biosphere (MAB) attirent les jeunes, qui se sentent exclu des décisions en matière d’environnement. Puisque ces réserves constituent des projets de territoire, il faut leur donner la parole, estime Catherine Cibien, directrice de MAB France. Le logo délivré par l’Unesco est prestigieux, valide-t-il une réelle protection de la biodiversité ? Il n’est pas là pour cela : « c’est une médaille, qui donne envie d’être fier, qui valide un projet de développement durable d’un territoire où existent déjà des aires protégées. » Un territoire où l’équilibre entre activités humaines et nature est surveillé par une gouvernance associant population, élus, organismes de recherche, entreprises, associations etc. Une réserve MAB ne peut se faire sans une forte participation locale ni un objectif robuste de valorisation des savoirs locaux. Voilà qui ressemble beaucoup aux parcs naturels régionaux ! « Non, car d’une part notre processus de création est plus souple, d’autre part les PNR n’ont pas l’obligation d’intégrer des aires protégées. » À la fois prestigieux et méconnu, le concept des réserves Man & Biosphere affiche de belles réussites avec notamment celle de la vallée du Galeizon, au nord d’Alès. « Le Syndicat mixte d’aménagement de la vallée a adhéré à la démarche et fondé tout son développement dessus. Cela a permis d’installer des éleveurs, de réhabiliter la châtaigneraie face au pin maritime, développer la filière bois-énergie, ou encore aider dans la lutte contre les plantes invasives au profit de la ripisylve. »

Par sa méthode, la démarche Man & Biosphere (14 réserves en France) aide les territoires à allier développement des humains et des non humains. Elle reste proche de celle des parcs naturels régionaux, qui sont au nombre de 56 : protection et gestion du patrimoine naturel, culturel et paysager ; aménagement doux du territoire ; développement économique et social ; pédagogie, information. « Ce sont les territoires qui s’organisent, ou pas, en PNR. Certains l’ont fait par exemple pour résister à l’étalement urbain, » résume Michaël Weber, le président de la fédération des PNR. Entité posée sur des limites administratives différentes, le parc régional est un endroit où l’on peut espérer discuter d’une cohérence de développement entre des collectivités ayant des objectifs différents. « Ce sont de lieux de dialogue où l’on espère faire émerger un nouvel humanisme de la nature, afin que l’homme ait enfin conscience qu’il fait partie de la nature et est un acteur de la transition. »

Considérer les gens

Ces façons de préserver des territoires, qui sont dans le bas du classement de l’UICN, sont fondées sur la considération des gens. Sur leur bonne information afin qu’ils adhèrent, voire, qu’ils s’émeuvent de la beauté des choses. À une échelle gigantesque, le parc national de Guyane fait de même, comme quoi depuis 2006, la « cloche à fromage » est devenue assez souple. « Les gens étaient méfiants quand le projet de parc a été annoncé, » se souvient Claude Suzanon, le directeur. « Les populations autochtones pensaient qu’on allait leur interdire de vivre chez elles. On les a rassurées : même dans le cœur du parc, il y a des droits d’usages qui leur ont été accordés. » Il a fallu des années de discussions, de palabres entre des gens qui avaient des visions du monde complètement différentes : « le concept même de protection n’existait pas chez les Amérindiens ! Ils vivent dans la forêt depuis 7 000 ans, ils ne comprenaient pas qu’on puisse protéger ce dont ils vivaient. » S’appuyer sur les chefs coutumiers s’est révélé indispensable, de par leur importance politique et leurs connaissances des ressources naturelles. « L’échange s’est fait dans les deux sens, entre eux et les chercheurs venus de Métropole. » En définitive, le parc existe et fonctionne, les gens se le sont approprié, grâce notamment à sa zone périphérique. Le grand perturbateur reste l’orpaillage illégal, qui exige des moyens militaires, très coûteux, pour être contré. C’est toujours le même problème : comme le dit Claude Suzanon, « la conservation sans argent, c’est de la conversation. »

Le dialogue est indispensable à toute idée de protection, il peut dans l’idéal 

constituer en soi une forme de protection à écouter Florent Marcoux. Le directeur général de Surfrider Europe fait le constat que les problèmes viennent de conflits d’usage et que ceux-ci peuvent être réglés grâce à la concertation. Donner la parole, écouter, c’est vieux comme le monde, c’est la meilleure manière de faire baisser la tension. « On n’est pas une association de protection de la biodiversité, on défend notre usage de la mer mais à force, on est devenu des défenseurs de l’environnement. Notre premier combat c’était les déchets sur l’eau, la qualité de l’eau. » En 2013, des surfeurs trouvent le moyen de s’inviter aux tables rondes réunies pour discuter du projet de parc éolien off-shore au large de Saint-Brieuc, auxquelles ils n’avaient pas été conviés. « On a mis en avant un risque pour nous lié à la mise en suspension du sédiment et à une interception de la houle. Mais on n’a pas dit qu’on était contre, mais qu’on était pour… à condition de. » Ayant constaté que la concertation arrivait toujours trop tard, « on cadre en fait le renoncement, pas le choix », Florent Marcoux a eu l’idée de mettre en place un espace de dialogue permanent à l’échelle d’un territoire – à Biarritz, chez lui. « Ce n’est pas lié à un projet d’aménagement, c’est fait pour que les usagers se connaissent, que la confiance s’installe. » La Région, l’agglomération de Biarritz, l’Ademe, diverses directions déconcentrées des services de l’État, les pêcheurs, les entreprises de l’énergie, du tourisme, des chercheurs, « tout le monde a accepté de se voir régulièrement durant une expérimentation qui va durer deux à trois ans. » Une sorte de PNR, de réserve MAB, de Grenelle de l’Environnement, de Commission locale de l’eau informelle où l’on discutera en permanence de ce qui se fait en mer.

Pour préserver autant que faire se peut la biodiversité qui nous reste, on ne peut plus faire l’économie de multiplier les aires protégées, de les lier entre elles. Encore faut-il trouver les ressources pour les rendre acceptables auprès des populations, et les financer. Elles sont sans doute une assurance-vie pour notre espèce, elles sont à coup sûr un cadre de développement serein pour les territoires confrontés aux conséquences du changement climatique. Peu estimées, car mal connues, parce que la biodiversité n’a pas beaucoup de valeur dans notre économie de marché et notre conscience collective, les aires protégées sont pourtant des objets géopolitiques. Comme l’a rappelé Yann Wehrling durant cette journée, un pays comme la Chine a des moyens sans commune mesure avec les nôtres pour « aider » les pays en voie de développement à déployer des aires protégées. Pour autant ce pays, en compagnie du Brésil, de la Russie et des États-Unis, luttent contre l’objectif de 10 % d’aires de protection intégrale pour préserver leurs pêcheries, alors même, insiste Yann Wehrling, qu’une zone préservée est un réservoir de poissons lesquels, au bout d’un moment, en sortent pour aller se prendre dans les filets. L’ambassadeur de France à l’environnement aimerait que la finance carbone s’intéresse à la question. Et que l’on mette en place des solutions pour toute la surface terrestre qui ne sera pas demain, dans les 30 % d’aires protégées. Le but d’une aire protégée est aussi qu’elle diffuse tout autour d’elle.