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INFOLETTRE N°22

Wolkswagen, ou l’aveu de l’impossibilité du diesel

Sep 22, 2015

Petite pause dans ma série d’infolettres spéciales « agriculture ». L’affaire Wolkswagen est trop drôle pour que j’en fasse fi. Parce qu’elle ne fait que révéler à quel point il est difficile, pour les constructeurs, de verdir le diesel.
Derniers ouvrages parus : Cessons de ruiner notre sol (Flammarion)/ Les Colères du temps (avec Farid Abdelouahab, Buchet-Chastel)/ La chasse, le vrai du faux (Delachaux & Niestlé),Y’a plus de saisons ! Et autres idées toutes faites sur la planète

Ah qu’il est difficile de verdir le C02 ! La Commission européenne a pourtant essayé…

(extrait du chapitre 3 de mon livre, La Fin du Tout-voiture, paru en 2013 chez Actes Sud.)

Les artifices des émissions de CO2

Pas sûr (pour voir ce à quoi fait référence ce « pas sûr », voir l’intertitre suivant qui, dans le livre, se trouve avant celui-ci. J’ai préféré inverser afin d’être dans le sujet). Il faut voir à l’usage, comme disait ma grand-mère. On considère en général qu’une automobile a envoyé une fois et demie son poids en CO2 dans l’air avant même d’avoir fait roucouler son premier piston. Le vertueux acheteur d’une auto verte acquiert en réalité une dette en carbone, qu’il lui faudrait ajouter aux émissions affichées par kilomètre, pour en connaître le coût réel. En clair, diviser la masse de carbone émis par la fabrication de la belle auto neuve (en général 7 à 8 tonnes) par la masse de carbone que celle-ci, en regard de l’ancienne, revendue, a permis d’éviter de lancer dans l’atmosphère (vous multipliez le différentiel entre les deux voitures par votre kilométrage et cela vous donne vos émissions à l’année). Cela donne quelques longues années (8 à 15 en moyenne), durant lesquelles le vertueux chauffeur devra rouler, en tout cas ne pas revendre sa nouvelle automobile, pour amortir cette dette en carbone. Comme un crédit. Ou bien, s’il décide de revendre avant l’échéance, l’automobiliste devra avoir roulé plus pour émettre moins au kilomètre. Soit bien au-delà de ses 15 000 km annuels moyens qui ne lui permettent déjà pas de rentabiliser financièrement son diesel !

Pas fameux. C’est pire encore.

Car les émissions des autos, telles qu’elles sont affichées, sont fausses ! Il faut les rehausser d’une bonne quinzaine de pour cent, au moins, pour tenir compte du cycle de vie de la voiture. Bien plus encore, en fait : chacun de son côté, la Commission européenne et The International Council of clean transportation ont en 2012 et 2013 démontré que 30 % environ des réductions d’émissions constatées sur les gammes des constructeurs européens s’expliquaient par la manière généreuse avec laquelle ceux-ci les mesuraient. Des méthodes qui n’ont pas changé depuis les années 1950. Même sans compter l’amortissement du carbone émis par sa fabrication, une auto neuve émet bien plus qu’il n’est dit par le vendeur.

Les industriels ne peuvent-ils faire autrement ? Si, mais procéder de la sorte leur évite des amendes ! La Commission européenne a mis en place un système de malus qui se déclenchera bientôt dès lors que les objectifs assignés ne seront pas respectés : en 2015, les voitures neuves ne devront pas émettre (en théorie) plus de 130 g/km de CO2, puis 95 g en 2020 (les émissions sont calculées sur 65 % des meilleurs résultats de la gamme entière. En 2020, ce sera sur 100 %). Un effort très important est donc demandé aux constructeurs, car la base de comparaison se situe en 2007, année où les émissions moyennes constatées étaient de 167 g. Mettre sur le marché une voiture crachant plus coûtera en 2015 5 euros pour le premier gramme par kilomètre de dépassement, puis 15 € pour le second, 25 € pour le troisième et 95 € pour les grammes supplémentaires. La douloureuse sera effroyable à partir de 2019, car dès cette année-là chaque gramme de CO2 par kilomètre au-delà de la norme sera facturé directement 95 € ! Pan ! PSA & Co ont donc tout intérêt à faire baisser la note. Cela dit, la Commission, bonne fille, leur a offert un biais dans lequel ils se sont allègrement engouffrés.

Les émissions à ne pas dépasser sont en effet calculées au regard des émissions moyennes… de la gamme entière de chaque constructeur. Ainsi, pour faire baisser celles-ci, rien de plus simple que de garnir son catalogue de petits véhicules diesel, mieux, de quelques modèles électriques. Cela permet de continuer à vendre des gros modèles, l’essentiel étant que la moyenne de la gamme demeure sagement à distance du martinet de la punition. Pour le Centre d’Analyse Stratégiques français (CAS) l’affaire est claire comme un litre d’huile : « Ces mesures [les pénalités] peuvent conduire des constructeurs spécialisés dans les véhicules thermiques puissants à mettre sur le marché des modèles tout électriques pour la seule raison que ce serait moins coûteux que de payer des pénalités pour dépassement des limites d’émissions fixées par la réglementation européenne. »

Comment le diesel est devenu bon pour la planète

(…)

Pour vendre du diesel, les publicitaires ont d’abord insisté sur le fait qu’avec lui, l’automobiliste ferait des économies, ensuite que c’était là de puissantes autos très modernes et, ces derniers temps, les publicitaires nous affirment, plaçant la berline dans une verte campagne, que le diesel, c’est propre comme un bébé sortant de son bain. Bon pour la planète. É-co-lo ! Le conducteur essence est aujourd’hui un plouc quand ceux qui ont un DCI sur le coffre sont les modernes. Par quelle étrange malice en est-on arrivé là ? Parce que le diesel émet moins de CO2 au kilomètre parcouru ! Or, le CO2 est l’ennemi de l’humanité. Donc le diesel est son ami. L’obnubilation du réchauffement climatique a érigé en bâton-totem le dioxyde de carbone. L’abattre, c’est nous sauver. Le génie des publicitaires a été de le présenter comme un polluant, ce qu’il n’est pas, vu qu’il n’est pas toxique. Or, une fois le CO2 décrété nocif, un dispositif émettant moins de CO2 n’est pas seulement bon pour la planète, mais aussi, et surtout, bon pour la vie car moins polluant ! C’est pourquoi le moteur diesel est devenu écologique.

Au cas où le consommateur n’aurait pas bien compris, le bonus-malus lui a été collé sur le pare-brise. À partir de 136 g de CO2/km, la voiture neuve qui essaie de vous attirer en concession vous vaudra une punition de 100 €. Au-delà de 201 g/km, seuil rapidement atteint avec un gros 4×4 ou un vieux monospace des familles nombreuses, la gentillesse se monte à 6 000 €. Souhaitez-vous sauver l’humanité ? Alors, en deçà de 105 g, sachez que la République vous versera 200 €. Et même 7 000 € si vous optez pour un véhicule électrique dont les émissions ne dépassent pas les 20 g (en théorie, voir chapitre…). Avec un tel barème, les véhicules diesel sont ultra-favorisés car ils émettent forcément moins que les modèles à essence, car ils consomment moins. Pour être sûr que les professionnels assimilent bien le message, le gouvernement français a également assis la taxe sur les véhicules de société (la TVS), bons clients de PSA et Renault, à la fois sur la puissance des moteurs et leurs émissions de CO2. Or, en France, le hasard fait bien les choses, plus de 80 % des voitures de fonction tournent au mazout.

L’autre coup de génie marketing a consisté à nous faire croire que moins on consomme, moins on pollue. Il se trouve pourtant que pour aucun polluant étudié (les oxydes d’azote, les hydrocarbures imbrûlés, le monoxyde de carbone, les microparticules etc.), il n’existe de corrélation entre sa concentration dans les gaz d’échappement et la quantité de carburant que l’auto a brûlé. D’ailleurs, entre deux voitures de même type, répondant aux mêmes normes, on n’obtient jamais les mêmes chiffres. La relation entre consommation et émission n’existe que pour le dioxyde de carbone, ce qui est logique, vu qu’un carburant est composé de carbone. Et là, surprise ! Il apparaît que le diesel émet… plus de CO2 que l’essence ! Logique, là encore, car il est constitué de molécules plus longues, donc plus riches en atomes de carbone. Lors de la combustion, cela libère forcément plus d’énergie. Et donc plus de CO2. La différence est de 12 %. Or, miracle, on ne la voit pas, cette différence, en raison même du contenu énergétique plus important du diesel : il en faut moins pour avancer d’un kilomètre !