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INFOLETTRE N°101

des vœux dans l’eau et à plus de 29 c.

Jan 21, 2022

© Xavier Plouchard

L’année commençante vous désespère déjà ? Me voici, et vous voilà immédiatement heureux. Pendant quatre mois de boulots intensifs et de problèmes de serveurs et de logiciels, je n’ai pu éclairer votre chemin de mes interminables infolettres. Vous étiez perdus. Le temps de l’incertitude est révolu, car la 101ème infolettre est arrivée.
Elle me permet tout d’abord de vous souhaiter la bonne année, avec une carte de vœux rien que pour vous. Réalisée à partir d’une photo prise par ma dame, Corinne, quelque part à côté de Biarritz. Un séjour qui m’a fait tirer un fil, comme vous allez le voir en photos.
Pour ne pas faire trop long en cette première lettre de l’an 2022, je vous ai joint une chronique écrite pour la revue Études à propos de la désignation de Yannick Jadot. C’était en octobre, ça ne s’est pas démodé.
Et puis, je vous ai saupoudré quelques réflexions par-ci par-là avant de vous administrer dans une semaine mon passe vaccinal dès la 102e infolettre : une vraie, avec de l’eau dedans. 

À bientôt !

Notamment demain mardi à 20h30 pour le numéro du mois de C dans l’sol. Le thème ? Les nématodes ! 

22, l’année sans rime

(je n’en ai pas trouvé)

C’est à ces petits signes…

À Biarritz à Noël, il a fait beau. Très chaud. La mer était forte, elle déferlait dans un bruit de périphérique pour continuer à faire tomber les surfeurs. C’était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville-clone du 16e arrondissement. Le mètre carré y est au prix d’une Dacia toutes options, les étudiants boivent des bouteilles de vin en terrasse, les jeunes parents ont l’air de comptables, leurs propres parents ressemblent à des directeurs financiers. Tout cela est fort bien élevé et sort de grosses voitures de marque allemande.

Les locaux râlent, car ils ne peuvent plus se loger, alors ils vont habiter dans le Béarn, se condamnant à la voiture. 

Je tiens à les rassurer : cela ne va pas durer.

Car en me promenant, avec ma dame, le long du littoral jusqu’en Espagne et, de l’autre côté, jusqu’à Hossegor, j’ai été surpris par la grande fragilité des choses. La mer est puissante, permanente, assourdissante. Elle est très forte, si forte, trop forte, et en plus elle monte, dilatée et grossie par le changement climatique, alors, elle est prise d’un entrain manifeste pour grignoter la plage et déplacer le rocher. Partout des panneaux alertent sur le risque de submersion ou de d’effondrement. J’ai pris une vague dans la figure  juste en voulant faire une photo. 

Ici, sur la côte biarrote, tout va disparaître. Rien n’est durable alors que tout le monde s’accumule à n’importe quel prix. La richesse immobilière est assise sur du friable. Le centre de Biarritz n’est pas menacé, il est condamné. Devant le Casino, il y a des gros sacs de sable pour casser la vague intrépide. Derrière, commence la ville.

Dans dix ans, les surfeurs seront encore plus heureux, car la mer aura gagné en surface et en puissance. Mais leurs parents auront été obligés de retourner à Bordeaux, Toulouse ou Paris.

Vu que les politiques s’en foutent, en particulier celles et ceux qui font mine d’aller à l’Élysée, le changement climatique va peut-être s’occuper de mettre au pas le marché de l’immobilier. 

J’espère qu’il n’aura pas noyé Chez Albert, excellent restaurant de poisson du tout petit port de pêche de Biarritz.

Mieux vaut en rire:

Écrit en octobre 2021 pour le numéro 4287 de la revue Études.

Yannick Jadot a été élu de peu, et voilà Europe Écologie Les Verts (EELV) prêt pour la campagne présidentielle. Il ne restera plus au député européen qu’à faire assez d’ombre à Anne Hidalgo pour que celle-ci se range derrière sa lumière. Car à n’en pas douter, la candidature écologiste est la candidature de l’ensemble de la gauche, hormis Jean-Luc Mélenchon qui candidate toujours pour lui-même. C’est un formidable espoir etc. comme on l’entend à chaque élection présidentielle. Je crains que comme à chaque fois l’on ne tombe dans la désillusion.

Car plus qu’auparavant, le mouvement écolo pourrait bientôt exploser en raison même de la victoire au finish de Yannick Jadot. EELV est un parti hétéroclite, sorte de PS grande époque en plus agité, où l’on discoure beaucoup, avant tout pour régler la musique entre les courants. Le reste du temps, on dit non, on dénonce, on rappelle l’allégeance aux dogmes établis et on appelle au grand chambardement qui seul pourra tout changer parce que c’est ainsi. S’il reste encore cinq minutes, on se demande comment tout de même on fera pour que les gens suivent. Ça, c’était l’habitude qu’a outrepassée Yannick Jadot en adoptant une posture réellement politique : plutôt que des grands tours de bras, des mots qui parlent, à la place du Grand soir étouffant, des propositions qui laissent de l’espoir, celle des compromis.

Malgré tout, Yannick Jadot a eu du mal à aspirer tout son mouvement derrière lui, parce que celui-là est affligé d’une formidable lourdeur. EELV est une machine à repérer les marginaux pour nourrir son discours antisystème. Ainsi le wokisme, le racialisme, l’écoféminisme et autres étrangetés doctrinales sont-ils apparus par la simple arrivée dans le mouvement de jeunes urbains très diplômés à l’écoute de ce qui se passe dans les universités américaines. Relayés par Sandrine Rousseau, ils ont créé une nouvelle ligne de force dans le mouvement écologiste : non seulement il faut abattre le capitalisme pour sauver le monde, en plus, il s’agit désormais de mettre par terre l’emprise des mâles, des blancs, l’emprise du monde occidental. À l’extrême droite et en partie à droite, c’est le tout immigration, à l’extrême gauche et pour la moitié des Verts, c’est la domination. De quoi faire rêver l’électeur qui se pense juste citoyen de la République.

Derrière des programmes assez proches, il y a en réalité deux visions très différentes du monde entre les Jadotistes et les Rousseauistes (le barbarisme n’est pas vain), entre des gens qui pensent que le fauteur de dégâts est d’abord économique et d’autres pour lesquels il est d’essence raciste et sexiste. N’y a-t-il pas quelque chose d’impossible à prétendre réunir des écologistes pour qui la planète va mal à cause de l’appât du gain et du plaisir immédiat avec d’autres qui affirment que si la Terre est violée c’est en raison même que des femmes sont violées et que des Noirs ont été mis en esclavage ? Cela semble d’autant moins probable que les études montrent invariablement le même profil : la très anxieuse génération des « millénials » avoue une demande d’autorité, de sécurité, d’interdictions, de restrictions, elle ne place pas en premier pilier de notre démocratie la liberté d’expression ni même la laïcité car il ne faut blesser quiconque ni altérer le statut de victime, et surtout, puisque la catastrophe menace, il faut prendre des décisions fermes pour protéger la planète. Déconstruire plutôt qu’agir. La Chine, ce n’est peut-être pas si mal ? Après tout, la démocratie a accouché de Trump.

Comment Jadot va-t-il faire pour concilier la raison et l’émotion ? Le pragmatisme et l’obsession ? L’action et l’indignation ? Je ne sais pas. Je l’aime bien, alors je lui souhaite de réussir.

Mais sur quel programme ? Il y avait du bon dans les deux. Chez Rousseau par exemple, l’orientation de l’épargne populaire vers les investissements durables, la suppression des forfaits qui encourage la surconsommation et la gratuité des premiers mégawattheures et mètres cubes consommés. Chez Jadot, nettement plus solide, la TVA à 0 % pour les produits recyclables, la création d’une école des services publics ou d’une union franco-allemande sur les questions d’écologie ou de défense. Chez les deux, toujours les mêmes manques : on sanctuarise la biodiversité, les forêts, les rivières, sans expliquer de quelle façon ; on sort du nucléaire sans raconter comment on démultiplie les éoliennes, la biomasse et le solaire pas grand-monde ne veut ; on prône un statut juridique pour les animaux et on hisse le crime d’écocide plutôt que de faire appliquer les lois existantes. Pas un mot sur les sols, clé de voûte de notre adaptation au futur, pas un mot sur le foncier, sans lequel on ne peut agir sur l’étalement urbain.

En tout cas, les verts, avant leur scission probable, sont au centre du jeu politique. Ce n’est pas si mal, mais ça risque de faire long feu.

Trois mois après :

Je ne m’étais pas égaré.

Fabien Roussel est presque accusé de crime contre l’humanité parce qu’il a déclaré qu’il aimerait que chaque citoyen puisse manger de la bonne viande, du bon fromage et boire du bon vin. Sandrine Rousseau, porteuse de l’accusation, a été parfaite. Elle est même devenue sublime dans un C ce soir où elle a affirmé face à un Raphaël Enthoven consterné, que « quand le drapeau c’est tout ce qui reste aux gens, quand ils n’ont plus de valeur ça devient fasciste ». Salaud de pauvre : tu manges mal, tu tues des animaux, tu chantes la Marseillaise, donc tu es presque un nazi. Il va falloir te rééduquer crois.

Et encore :

Le bienfaiteur Michel-Édouard Leclerc a décidé de bloquer sa baguette de merde à 29c. Pour les pauvres, pour leur pouvoir d’achat. Il leur fait la poche, tout en la remplissant de sucres rapides qui vont les transformer en obèses aptes à faire un bon vieux covid-grave-et-long. Il est parfait, MEL.

À lui et Sandrine rousseau je dédie le livre que j’ai écrit avec Alexis Jenni, sous la direction de Boris tavernier/ Vrac, sur les pauvres et la bouffe. Même qu’on a eu un prix